HISTOIRE DU PROCHE ORIENT II
Le Levant – Ougarit – Canaan
Cours de Mr Bordreuil Elcoa 2003-2004
L’Objet des cinq prochains cours est l’histoire au IIème millénaire de la région que l’on qualifie habituellement du Levant. Le « Levant » désigne la région des pays modernes Syrie, Liban, Israël, Palestine, et parfois île de Chypre Cette région est le centre géographique de la région plus large dite « Le proche Orient » que l’on distingue du moyen Orient constitué de l’Iran et l’Irak.
Le premier cours concerne Canaan
Le deuxième : l’archéologie d’Ugarit
Le troisième : les textes d’Ugarit
Le quatrième : le premier millénaire avant notre ère, la Phénicie avec Tyr, Sidon et Byblos.
Le cinquième : les royaumes araméens au premier millénaire.
Le site d’Ugarit est très important car :
A - il marque la fin de l’âge du Bronze avant les grands bouleversements préalables à l’arrivée de l’âge du fer.
B - Il est aussi important du fait de sa situation géographique en bord de mer avec la proximité de l’île de Chypre et les liaisons la mer.
C C’est là semble-t-il que, pour la première fois, a été mis en œuvre un alphabet consonantique.
D Les textes d’Ugarit ont permis des parallèles pertinents avec les textes bibliques de l’ancien testament.
Ce pays de Canaan nous est connu par la Bible : Exode III 8 Dieu s’adresse à Moïse du buisson ardent à propos de son peuple :
Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens
et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste, vers une
terre qui ruisselle de lait et de miel, vers la demeure des Cananéens, des Hittites, des Amorrites, des Perizzites,
des Hivvites et des Jébuséens.
C’est une description alléchante d’un pays de vie patriarcale, de pasteurs et d’activités sédentaires proches de l’agriculture. Le lait et le miel sont des aliments que l’on consomme particulièrement lors des fêtes. On en retrouve l’écho dans Néhémie VIII 10 où Esdras demande à ceux qui sont venus à la fête :
Il leur dit encore : "Allez, mangez des viandes grasses, buvez des boissons douces et faites porter sa part à qui n'a rien de prêt. Car ce jour est saint pour notre Seigneur! Ne vous affligez point : la joie de Yahvé est votre forteresse!"
Géographiquement, le pays de Canaan est défini par les peuples
qui l’habitent. Les Perizzites ne sont pas mentionnés ailleurs mais les autres
sont connus : Nombres XIII 29 :
Les Amalécites occupent la région du Négeb ; les
Hittites, les Jébuséens et les
Amorrites, la montagne ; les
Cananéens, le bord de la mer et les
rives du Jourdain. "
Les Hittites,
Amorrites et les Hivvites Jébusites sont connus par les textes bibliques et
sont localisés dans la montagne de la région de la Jérusalem pré-Davidique qui
s’appelait « Gebus » et dont les habitants se nommaient les
Jébuséens.
8 - David avec ses gens marcha sur Jérusalem contre les Jébuséens qui habitaient le pays, et ceux-ci dirent à David : " Tu n'entreras pas ici! Les aveugles et les boiteux t'en écarteront " c'est-à-dire : David n'entrera pas ici.
7 - Mais David s'empara de la forteresse de Sion; c'est la Cité de David.
Les Hittites, Amorrites et les Hivvites nous renvoient au IIème millénaire quand leur notoriété et leur influence sont à l’apogée en Syrie. Après la chute de l’empire hittite au XII siècle les communautés hittites continuent à prospérer en Syrie et dans la région de l’Euphrate au premier millénaire. On trouve leurs traces jusqu’à Hamat sur les rives de l’Oronte ville proche de la frontière septentrionale de l’Israël idéal.
Cf.
Josué XIII 2-5
2 - Voici tout le pays qui reste : " Tous les districts des Philistins et tout le pays des Geshurites;
3 - depuis le Shihor qui fait face à l'Égypte jusqu'à la frontière d'Éqrôn au nord, c'est compté comme cananéen. Les cinq princes des Philistins sont celui de Gaza, celui d'Ashdod, celui d'Ashqelon, celui de Gat et celui d'Éqrôn; les Avvites sont
4 - au midi. Tout le pays des Cananéens, et Mearah qui est aux Sidoniens, jusqu'à Aphéqa et jusqu'à la frontière des Amorrites;
5 - puis le pays du Giblite avec tout le Liban à l'orient, depuis Baal-Gad au pied du mont Hermon jusqu'à l'Entrée de Hamat.
Les Amorrites sont mieux connus (anciennement désignés comme Amoréens) grâce aux découvertes épigraphiques de Mari et d’Ugarit. On a de plus en plus l’impression qu’il y a une communauté amorrite qui est attestée dès 1800 à Mari dans les archives de Zimri-Lim (1775-1761). Au cours d’un voyage chez son beau-père à Alep il poussa jusqu’à Ugarit ; la relation de ce voyage nous est parvenue. La région continuera d’être appelée Amuru dans les textes mésopotamiens. La dynastie d’Ugarit est dite Amorite. Ces Amorrites comme les Hittites sont en Palestine lors de l’entrée des Israélites mais pour les Hittites ce sont des émigrés hors de leur territoire Pour les Amorrites, ce sont des personnes de cette grande ethnie que l’on connaît maintenant mieux et que l’on trouve à Mari, Ugarit et ailleurs dans le proche Orient. Les Hurrites (ou Ivites) sont originaires du Mitanni pays du nord mésopotamien. (voir livre de J. Freu : Histoire du Mitanni – L’harmattan Kubaba livre d’histoire sur l’origine du Mitanni, la crise avec la civilisation égyptienne au XIV° siècle, la conquête hittite jusqu’au XIII et la chute de l’Empire hittite) Ces Irites (Ivites) forment une grande proportion de la population d’Ugarit. L’étude d’Ugarit est très importante pour la connaissance du IIème millénaire car la documentation est abondante, s’accroît au fur et à mesure des fouilles et donne des informations sur les populations de la région à cette époque. Les Amorrites représentaient environ 10% de la population sans que l’on discerne la moindre opposition ou friction entre les Hurrites et les Amorrites. Dans les listes de noms on voit que beaucoup de personnes portent des noms hurrites mais avec des patronymes sémitiques (nom donné par la mère hurrite à un fils amorrite) Ces listes sont en alphabet ougaritique. Les Hurrites avaient une langue peu connue écrite en ces caractères. On connaît environ 60 mots et une page de dictionnaire a été trouvée il y a 10 ans.
Populations non sémitiques, ils ont émigré à partir du Mittani vers le sud dans le pays de Canaan sans doute dès le XIV°siècle. Les lettres de Tel Amarna nous disent qu’ils ont pris le pouvoir à Ascalon et à Ebron ,qu’ils utilisaient des armes nouvelles et qu’ils se sont rapidement assimilés. C’est la présence de ces Hurrites qui fait que les Egyptiens ont donné le nom de Hourou à la Palestine. L’intrusion des Hurrites parmi les peuples de Canaan n’est pas utopique, mais les textes bibliques en parlent comme des Hivvites (Hivites). Ils sont dans des régions où les textes non bibliques parlent de Hurrites. Josué IX 3-7 nous apprend que les gens de Gabaon sont considérés comme des Hivvites. Ils disent qu’ils viennent d’un pays lointain.
1 - Quand ils apprirent cela, tous les rois qui étaient de ce côté du Jourdain, dans la montagne, dans le Bas-Pays et sur toute la côte de la Grande mer vers le Liban, Hittites, Amorrites, Cananéens, Perizzites, Hivvites et Jébuséens,
2 - se coalisèrent pour combattre d'un commun accord Josué et Israël.
3 - Les habitants de Gabaôn apprirent la manière dont Josué avait traité Jéricho et Aï,
4 - et eurent, eux aussi, recours à la ruse. Ils allèrent se munir de provisions, et chargèrent leurs ânes de vieux sacs et de vieilles outres à vin crevées et recousues.
5 - Ils avaient à
leurs pieds de vieilles sandales rapiécées, et sur eux de vieux habits. Tout le pain qu'ils emportaient pour leur
nourriture était durci et réduit en miettes.
6 - Ils arrivèrent
au camp de Gilgal, auprès de Josué, et lui dirent ainsi qu'aux hommes d'Israël
: " Nous venons d'un pays lointain, faites donc alliance avec nous. "
7 - Les hommes
d'Israël répondirent à ces Hivvites : " Qui sait si vous n'habitez pas au
milieu de nous ? Alors comment pourrions-nous faire alliance avec vous ? "
Bien que ce texte
soit plus tardif, ces Hivvites ont immigré en Canaan depuis le XIV°siècle.
Le Pays de Canaan où
les Israélites vont s’installer correspond d’après la Bible à la région située
entre le Jourdain et la Méditerranée. Sur la stèle de Merneptah, les noms de
Canaan et de Hourou voisinent avec celui d’Israël. Le nom de Canaan, dont
l’étymologie est incertaine, est beaucoup plus ancien. Il désigne un horizon
géographique qui dépasse largement celui des auteurs bibliques puisqu’il
apparaît dans une lettre de Mari au début du II ème millénaire et
dans l’inscription d’Idrimi d’Alalakh au XVI° siècle. (Royaume syrien dans la
région d’Antioche). D’après les textes, le pays de Canaan s’étend dans une
région située dans la mouvance égyptienne, dont la frontière naturelle vers le
nord est la trouée de Homs, la dépression qui sépare le mont Liban de la
montagne alaouite. Cette trouée a joué un rôle important tout au long de
l’histoire de cette région ; elle est la ligne de séparation entre
l’influence égyptienne et l’influence hittite. Il y a trois citadelles dont
Qadesh. Le petit fleuve qui passe dans la trouée s’appelle le Nahr al-Kebir (Eleuthère
à l’époque hellénistique)
Dans Genèse X la Bible décrit la descendance de Noé ; ce sont les peuples connus des Israélites à l’époque de l’écriture de la Genèse.
6 - Fils de Cham : Kush, Miçrayim, Put, Canaan.
…
15 - Canaan engendra Sidon, son premier-né, puis Hèt,
16 - et le Jébuséen, l'Amorite, le Girgashite,
17 - le Hivvite, l'Arqite, le Sinite,
18 - l'Arvadite, le Çemarite, le Hamatite; ensuite se dispersèrent les clans cananéens.
19 - La frontière des Cananéens allait de Sidon en direction de Gérar, jusqu'à Gaza, puis en direction de Sodome, Gomorrhe, Adma et Çeboyim, et jusqu'à Lésha.
20 - Tels furent les fils de Cham, selon leurs clans et leurs langues, d'après leurs pays et leurs nations.
Kush ou Koush c’est la Nubie
Miçrayim ou Misraïm c’est l’Egypte (duel : il s’agit des deux Egyptes)
Put ou Pouth c’est la Lybie
Canaan : territoire du fils Kham qui s’est moqué de Noé et dont le petit-fils Canaan est maudit.
…. Voir Le Temps de la Bible page 28
Cette aire géographique, dont on ne peut fixer les limites avec précision, n'était pas une entité politique, puisqu'elle englobait les cités-États de la côte, voire des royaumes au territoire plus étendu. La « table des peuples » ‘, qui établit la descendance de Noé, présente l'Amorrite comme un fils de Canaan (Gn 10, 15).
Or ce même texte (v. 6) attribue quatre fils à Kham. Parmi ceux-ci, se trouvent trois éponymes africains, Koush (la Nubie), Misraïm (l’Egypte), Pouth (la Libye) et un éponyme levantin, Canaan. De plus, alors que c'est Kham qui a manqué de respect à son père, c'est le petit-fils, Canaan, qui est maudit. Cette malédiction mise dans la bouche de Noé, qui fait de Canaan le fils de Dam et le frère de peuples du nord-est de l’Afrique, ne se réfère-t-elle pas précisément à la zone d'influence égyptienne dans laquelle se trouvait la côte méridionale du Levant, c’est-à-dire Canaan ?
Jusqu'où s'étendait le pays de Canaan ? Nos sources sont peu précises. On sait cependant que l’Egypte était intervenue militairement au XIII siècle contre le Mitanni, ce vaste royaume situé dans le nord-est syrien. Au XIII siècle, Sethi I" puis Ramsès II entreprennent plusieurs campagnes en Syrie-Palestine pour faire pièce à la montée en puissance de l'empire hittite. Le choc majeur entre l’Egyptien et le Hittite a lieu vers 1275 près de Qadesh, sur l'Oronte. Le résultat de l'affrontement reste incertain, mais la trouée de Homs sépare désormais les zones d’influence, hittite au nord, égyptienne au sud. À l'époque hellénistique, au III siècle avant J.-C., le fleuve qui marque la frontière entre le Liban et la Syrie, l'Éleuthère - aujourd’hui le Nahr al-Kebir -, délimitera les territoires relevant des Séleucides d'Antioche et ceux relevant des Lagides d’Alexandrie'. La trouée de Homs ayant borné à deux reprises la mouvance septentrionale égyptienne, il n'est pas surprenant que l'auteur de « la table des peuples » l'ait considérée comme la limite nord du pays de Canaan, fils de l’Egypte (Gn 10, 6).
Au XIII siècle, après la bataille de Qadesh, l'influence égyptienne s'est renforcée au nord sur la plaine côtière entre le mont Liban et la mer, dans les montages de l'Anti-Liban, dans la Beqaa et dans le territoire relevant de Damas. Au sud, la Palestine et la Transjordanie se trouvaient aussi dans l'orbite égyptienne et nous savons que la situation de dépendance de ces territoires de Syrie-Palestine vis-à-vis du pharaon n'était pas nouvelle grâce à la correspondance envoyée à Aménophis III, puis à Aménophis IV - Akhenaton au XIV siècle par les roitelets de la côte du Levant. Cette correspondance a été mise au jour à El-Amarna, le site de la capitale d'Akhenaton en Moyenne Egypte, où l'on a retrouvé trois cent cinquante tablettes formant autant de lettres. Certaines lettes proviennent de la région palestinienne dont le commissaire résidait à Gaza, et donnent donc des informations qui intéressent le lecteur de la Bible.
Les lettres de Gezer, Megiddo et Akko, nous apprennent que la Palestine à la fin de l'âge du Bronze, au XIV-XIII siècle, était formée d'un ensemble de petites cités-États, gouvernées par des rois, sous le contrôle de commissaires égyptiens. Chacune de ces entités dominait un territoire qu'elle exploitait, vraisemblablement dans le cadre d'une économie centrée sur le palais. Celui-ci possédait une bonne partie des terres et des ateliers dont il contrôlait la production et la distribution des biens, insérant ainsi les individus dans une société fortement organisée'. La correspondance des roitelets cananéens avec l’Egypte est rédigée en langue akkadienne, la langue de Mésopotamie qui était alors largement utilisée dans les échanges internationaux. Ici, c'est une langue akkadienne truffée d'idiotismes sous lesquels transparaît la langue locale, forme ancienne du groupe cananéen, apparentée à l'hébreu et au phénicien du I" millénaire. En tout cas, ces textes nous montrent que la région dans laquelle le peuple d'Israël est supposé avoir fui l’Egypte et qu'il proclame avoir conquise était, à cette époque, une province égyptienne.
Gn X 19- La frontière des Cananéens allait de Sidon en direction de Gérar, jusqu'à Gaza, puis en direction de Sodome, Gomorrhe, Adma et Çeboyim, et jusqu'à Lésha.
Le nom de Canaan a aussi été donné à des contrées extérieures. Beyrouth est appelée Laodicée de Canaan au II°siècle avant J.C.
Ce que dit la bible de Canaan est pauvre, Les textes épigraphiques, aussi bien hébraïques que phéniciens, sont rares
L’opposition entre les divinités cananéennes et le Dieu de la Bible est marquée principalement par la victoire d’Elie sur les prêtres de Baal au mont Carmel.
Paradoxalement c’est par une ville déjà détruite à cette époque et de plus hors du territoire admis pour Canaan que l’on connaît le mieux la région. Ougarit (Ugarit) située à environ 150 Km du nord de Canaan a été découverte en 1929 à Ras shamra et depuis lors une abondante documentation a été traduite et publiée. Ce royaume d’Ugarit avait connu la prospérité au XIIIème siècle avant d’être détruit et de disparaître totalement au XIIème , deux à trois siècles avant les plus anciens textes bibliques comme le cantique de Debora en Juge V. La région de Canaan s’arrêtait à la percée d’Homs. Pourquoi ne pas admettre que pays de Canaan s’étendait jusqu’à Ugarit et englobait la pleine côtière de Gaza à l’embouchure de l’Oronte ? Plusieurs indices déterminant montrent que Ugarit est hors de Canaan.
1 Le nom de Canaan n’est pas mentionné dans les textes d’Ugarit.
2 Il y a une liste de noms propres avec un individu Yaël qui est dit Cananéen un autre est dit Egyptien, un autre Ashdodien (pays des philistins). En onomastique, on sait que lorsque l’on désigne quelqu’un par un nom de lieu, cela montre que c’est un étranger à l’endroit où l’on écrit.
3 Un texte akkadien fait état d’un règlement financier entre les gens du pays d’Ugarit et les gens du pays de Canaan.
Si Ugarit n’est pas en Canaan, il relève tout de même de la culture de cette région.
Nous le connaissons par les textes. Les fouilles archéologiques commencent par les niveaux les plus récents ; les textes que nous connaissons sont les plus récents et l’état actuel de nos connaissances ne remonte pas plus haut que le XIVème siècle alors que la ville existait depuis le 7ème millénaire. Le premier texte que l’on peut dater (1360) est un traité international conclu entre Niqmaddu II avec le roi Aziru d’Amurru (royaume occidental) voir texte RS19.68 p64 dans « Textes akkadiens d’Ugarit » de Sylvie Lackenbacher. (Note : ce texte mentionne des pays cités dans Genèse X alors qu’Ugarit n’y est pas citée car détruite totalement en 1185.) Le caractère unique et modique de la somme en jeu (5000 sicles) montre qu’il ne s’agit pas du tribut d’un état soumis mais un état qui monnaye sa tranquillité. Ugarit doit choisir entre une solidarité syrienne dans une coalition regroupant l’état de Mukish au nord, Numash et Nihi au delà de l’Oronte – ou l’alliance avec le Hitti qui lui promet de substantiels avantages territoriaux. Cette fois-là il choisit l’alliance hittite ; il est envahi par ses voisins syriens Ugarit, son territoire est dépecé et sa population chassée par le nouvel allié d’Ugarit.
Quelle était la puissance réelle d’Ugarit ? Il est difficile de l’évaluer mais une lettre de Shuppiluliuma évoque une force militaire d’Ugarit capable d’enlever des villes. Les bénéfices finaux de cette opération sont importants puisque la dynastie devient pérenne – alors qu’ailleurs le Hatti impose des rois hittites. Ugarit obtient encore l’arrêt définitif de son rival méridional Amurru dont l’extension vers le nord est stoppée. Ugarit reçoit l’assurance de la protection d’une grande puissance, l’extension de son territoire et un statut spécial à l’intérieur de la Syrie hittite grâce au traité de Niqmepa avec Murshili II (RS 17.382 SLpg135). Ugarit bénéficie aussi de la protection contre l’Egypte.
Cet exemple de traité international est du XIVsiècle mais illustre les mouvements et la politique internationale dans les deux derniers siècles d’Ugarit. L’alliance avec les Hittites pouvait entraîner les représailles de ses voisins syriens mais Ugarit a choisi une voie moyenne entre :
1 l’alliance syrienne : vers 1340 cette coalition appuyée par la puissance égyptienne conquièrt les royaumes de Nurash et de Quadesh (ville sur l’Oronte au SE d’Ugarit) Cette coalition fut faite la neuvième année de Moushi II mais Ugarit en subit des conséquenses dommageables.
2 la résistance passive est ce qui a le plus caractérisé la politique d’Ugarit au XII siècle. La politique d’Ugarit était dictée par l’art du possible. Cette attitude était déjà en germe au XIV car on sent à Ugarit un sentiment diffus anti-Hittite. Il succède à une animosité anti-Egyptienne conséquence de l’interventionnisme Egyptien du temps de Thoutmès. La résistance envers les Hittites a été un échec qui n’a pas empêché une opposition de la population d’Ugarit envers eux. Les alliances sont réticentes. Niqmadu ne pouvait éviter ces alliances.
A partir du XIII siècle la documentation donne des indications chronologiques plus sûres jusqu’à la ruine d’Ugarit en 1185.
Cette phase finale d’Ugarit est intéressante pour la connaissance d’un nouvel équilibre géopolitique issue de l’incertaine bataille de Qadesh vers 1275 entre l’Egypte et le Hatti qui place désormais Ugarit complètement à l’intérieur du glacis hittite
[le corpus d’Ugarit est dit « ouvert » car les découvertes ne sont pas encore toutes faites ; les fouilles ne sont pas encore descendues plus bas. Par exemple on sait que Zimri-lim dernier roi de Mari, est venu visiter l’ouest en -1765, Alep où il avait de la famille puis un mois entier à Ugarit. Son voyage est connu par un compte rendu trouvé dans les décombres de Mari ; mais à Ugarit les couches de l’époque où se faisait ce voyage sont encore sous plusieurs mètres de vestiges non encore fouillés.]
L’attitude adoptée au XIV° siècle continue au XIII. Le roi d’Ugarit Ammistamru II est dispensé par le roi de Karkemish (Ini-teshub) d’attaquer l’Assyrie moyennant le paiement de 50 mines d’or. (txt RS17.59 SLpg101). Ammistamru voulait desserrer les liens avec le Hatti. Le texte précise que l’on ne mobilisera pas Ugarit tant que cette guerre ne sera pas terminée.
Le Hatti contrôlait bien Ugarit et les obligations militaires d’Ugarit envers le Hatti étaient bien définies, comme le montre la participation d’Ugarit à la bataille de Qadesh.
A partir de 1250, cette résistance passive se manifeste encore sous Ibiranu, régent non couronné(il ne figure pas dans la liste officielle des rois) à l’attitude ambiguë mais efficace.
Un texte sur la qualité médiocre des troupes envoyées à Karkemish (RS34.143), mentionne les Maryannu comme peuple à l’origine des troupes de chars. Le titre de Maryannu est relatif aussi à une aristocratie militaire.
Texte confirmant la désinvolture d’Ugarit : RS34.150.
Ces témoignages montrent l’importance d’Ugarit pour le royaume hittite.
Ainsi une expédition militaire vers le sud est désavouée par le roi de Karkemish : RS20.174 « Le roi de l’Ushnatu est venu me dire « le roi de l’Ugarit a pris des zones frontières à moi, il a même pris une ville » Pourquoi as-tu agi ainsi ?…n’approche plus de ses zones frontières !
Les relations d’Ugarit avec le royaume hittite n’ont pas empêché les relations commerciales avec l’Egypte. Le gendre d’ Ammistamru, Sitibaal a fait graver à son nom un sceau avec des caractères Egyptiens.
Au II ème millénaire il y eut donc plusieurs royaumes dans la région de Syrie. Mais c’est l’Ugarit qui est le mieux connu actuellement (Alala n’est pas encore publié…) Le site d’Emar sur l’Euphrate était l’endroit où le commerce d’Ugarit arrivait au fleuve (rupture de charge)
Les populations de Palestine sont d’origines diverses venant du nord et du sud. La documentation et les connaissances sont incomplètes et tributaires de la documentation d’Ugarit.
Les juges en palestine. La situation est différente de celle de la période d’Ugarit : à l’exogamie succède l’endogamie. L’étranger devient l’ennemi. La stabilité relative de l’âge du bronze entre deux grands états de l’Egypte et du Hatti a été bousculée, coïncidant avec une éclipse définitive du Hatti et une éclipse provisoire pour l’Egypte.
Au début de l’âge du fer, on assiste à l’irruption de petits royaumes qui vont naître à la faveur de l’éclipse des trois empires Hatti, Egypte et Assyrie-Mésopotamie. Ces petits états sont les Araméens et le royaume de Juda. Ils ne sont plus dans le glacis des grands et sont indépendants mais ne sont plus protégés.
A partir du IX ème siècle l’Assyrie se réveille et bouscule les royaumes araméens.
Royaume syrien de l’âge du bronze, nous ne le connaissons qu’à cette époque jusqu’au XIII où il disparaît. Il n’y a pas de reconstruction sur ses ruines alors que le site est très favorable : un port naturel, des rivières, de la pluie. La campagne est couverte d’une « culture de pluie ». C’est une partie du croissant fertile (isoyète de 250mm) La montagne de l’arrière pays reçoit jusqu’à 2 mètres d’eau.
En 1928, aux abord de Minet el-Beida au bord de la mer une tombe est découverte par le soc d’une charrue qui s’est enfoncé dans le sol sur une scépulture. Les Français qui avaient le mandat de la Syrie ont fait les fouilles sous la direction de Claude Scheffert qui a poursuivi ses fouilles jusqu’en 1969.
Sur le site on a découvert une ville, des temples et surtout des archives. Ces archives sont constituées de textes akkadiens mais aussi de textes alphabétiques.
Ugarit était mentionné dans les lettres de Tel Amarna et était déjà recherchée depuis 50 ans..
Cours du 30 janvier
La
situation de la ville d’Ugarit est importante tant du point de vue historique
qu’au point de vue de la civilisation. Sur la carte du monde méditerranéen on
voit qu’Ugarit occupait une place centrale de la cote est de la méditerranée et
proche de l’île de Chypre. De plus, à l’est elle est le point le plus proche du
coude de l’Euphrate. Situé près de l’actuelle Lattaquié, ancienne Laodicée, la
ville est construite sur un plateau proche de la mer et de la baie de Minet el
Beida qui lui servait de port. Près de la ville fouillée depuis 1929 et près du
cap Ras ibn Hani des fouilles ont mis au jour des vestiges de la banlieue de la
capitale avec un nombre important de documents qui ont, par recoupement,
complété ceux de la capitale.
La région est vallonnée avec au sud d’Ugarit la vallée du Nar-al-Kabir qui prend sa source dans la montagne du nord le Jebel al-Aqra à la limite de la frontière entre la Syrie et de la Turquie ; et qui se jette dans la mer au sud de Lataquié. La ville d’Ugarit était construite sur un plateau entourré de deux rivières : le Nahr ed-Delbé au sud et le Nahr Chbayyed au nord. Au cours des siècle ce cours d’eau a fait s’effondrer la partie nord-est de la ville.
L’hydrographie de cette région est abondante et alimente de nombreux cours d’eau descendant de la montagne Alouite a l’est.
Les fouilles ont commencé sur l’acropole en 1929 jusqu’en 1939 elles étaient menées par Claude Scheffert sous mandat de la France. Ces fouilles ont amené la découvertes de tablettes cunéïformes. A cette époque on ignorait qu’on allait découvrir une civilisation connue seulement par les lettres de Tel Amarna correspondance des petits royaumes de Palestine écrivant au pharaon Akénaton-Aménofice. Le roi de Byblos Ribaldi écrit : « vois il n’y a pas de résidence de gouverneur pareil à celle de la résidence de Tyr elle est comme la résidence d’Ugarit excessivement grande et la richesse qui y est contenue ». Tres vite les textes accadiens ont permit d’estimer que le tel de Ras Shamra était bien Ugarit. Le palais royal se situe au bord ouest du tel a donné un grand nombre de texte, au sud-est la maison d’Urtenou dont les fouilles terminées en 2002 ont laissé un riche matériel épigraphique. Cette maison a été découverte forfuitement en 1973 par suite de la construction d’un bunker dans les déblais duquel une tablette avait été trouvée. Lors de la destruction du bunker et des fouilles qui l’on suivit de nombreuses tablettes ont été découvertes faisant progresser grandement la connaissance de la civilisation d’Ugarit.
Deux temples de Baal étaient semble-t-il un alignement d’amers pour l’entré au port de Minet el-Beida.
Un demi-siècle après la découverte et le déchiffrement des tablettes cunéïformes de Mésopotamie on découvrait à Ugarit une nouvelle littérature rédigée en caractère cunéïformes, mais ces caractères ne relèvent pas du système logosyllabique mésopotamien. En effet un nombre de signes limités à 30 la désignait avant tout déchiffrement comme une littérature écrite au moyen d’un système alphabétique. A l’époque on n’imaginait pas qu’une nouvelle langue, l’ougaritique, du groupe sémitique allait s’ajouter au groupe des langues sémitiques occidentales déjà connues. Quelque milliers de tablettes et de fragments ont été découverts pendant les 40 dernières années. Les fouilles continuent