HISTOIRE DU PROCHE ORIENT 2004-2005

Egypte 2 - Cours de M. Koenig

1         Introduction

Cette deuxième partie du cours sur l’Egypte part de la bataille de Qadesh pour aller jusqu’à la fin de la période pré-chrétienne. C’est une approche culturelle plutôt qu’événementielle.

1.1        Apogée ramesside

La période ramesside au nouvel empire est une période charnière dans l’histoire de l’Egypte elle connaît l’apogée de l’empire mais aussi de début du déclin. La bataille de Qadesh bien que n’étant pas une réelle victoire marque le début du règne de Ramsès II.

Ramsès II a marqué son règne de grandes constructions et d’organisation. C’est le sommet.

1.2        La crise

A partir de la deuxième partie de la période ramesside une longue crise se met en place, elle court pendant la XIX ème dynastie et surtout durant la XX ème puis sous la troisième période intermédiaire (de 1715 à  ) période de Tanis et période nubienne et la basse époque durant les XXVème  XXVIème. Dynastie. Cette crise s’est stabilisée pendant la première phase de la basse époque (XXI à XXVI). La deuxième phase est celle des grandes invasions, de peuples étrangers envahissant l’Egypte dont en dernier lieu les Grecs qui fondent Alexandrie.

Cette période n’est plus une période de développement ou de montée mais une période de crise avec des phases de stabilité. Une des questions qui se pose est le pourquoi cette crise. Comment en comprendre l’origine ?

1.3        Origine de la crise

Pourquoi cette crise se fait-elle sentir sous la XX ème dynastie ? Le développement de la culture de la période ramésside est marqué par plusieurs événements. D’abord l’Egypte se stabilise et il n’y a plus d’expansion, contrairement aux discours de Ramses II, alors qu’à l’époque des pharaons conquérants, l’Egypte s’était étendue jusqu’à l’Euphrate. Cette stabilisation se traduit par une activité intérieure importante. Il y a une quantité très importante de constructions même s’il y a beaucoup de réemploi. Citons le temple de Karnak, Abou Simbel, les temples en Nubie.

1.4        L’économie égyptienne

Une caractéristique de l’économie égyptienne est que les richesses acquises en campagne ou par l’activité intérieure ne sont pas réinvesties. Ce surplus de richesse sert à des constructions de prestige. L’Egypte n’a pas de monnaie physique ( pièces d’or, d’argent ou de cuivre.), mais il existe des équivalents qui servent au troc. L’équivalent est abstrait : par exemple le xx vaut 30 gr de cuivre d’autres équivalents font référence à un poids d’argent ou même d’or. Sans système de profit, que faire de l’argent, de l’or et de la main d’œuvre qui arrivent en Egypte lorsque le pharaon pille une conquête ? De grandes constructions : temples et tombes sont ainsi financées et servent à utiliser la main d’œuvre de villages spécialisés dans la construction des tombes ou des temples.

1.5        Deir el Médinet

Un village d’artisan : Deir el Médinet (catalogue au Louvre). Ce village fouillé par des français, a livré un matériel archéologique important et des textes ont été mis à jour sur des Ostraca et des papyrus.

Un Ostracon est un tesson de poterie ou un éclat de calcaire sur lequel on a porté un texte, un dessin, en utilisant une écriture particulière : le hiératique. C’est une écriture à l’encre, cursive simplification du hiéroglyphique. Outre ces ostraca, le village de Deir el Medinet a donné aussi des stèles et des statues. Ces objets ont fourni beaucoup d’informations sur la civilisation égyptienne sur laquelle nos connaissances sont très lacunaires. Elles dépendent des objets trouvés. Mais beaucoup d’objets ont été détruits soit par les inondations soit par l’empilement des villages sur les buttes.

De plus la documentation est déséquilibrée, on connaît la vie religieuse par les temples et leur écriture, mais peu de chose sur la vie quotidienne des villages. A ce sujet le village de Deir el Medinet est une révélation.

1.6        Les tombes et temples funéraires

Les biens qui étaient acquis par le pharaon étaient utilisés pour des constructions de prestige. Par cela le roi donne du travail aux gens du peuple.

Faire construire des temples aux dieux de la dynastie était un moyen de faire passer un message, ainsi à Karnak le temple d’ Amon ré marque une présence dans un continuum dynastique.

Les tombes de la vallée des rois sont séparées des lieux de cultes alors que dans l’ancien empire les temples étaient étroitement associés aux tombes (pyramides). Le Pharaon entretient les dieux par des offrandes. Les lieux de cultes associés aux tombes de la vallée des rois ne sont pas très loin. Ils sont sur la rive ouest du Nil. Quand on regarde les montages à l’ouest de Thèbes, on remarque que la montagne a la forme d’une pyramide. A la lisière du désert de gros ensembles funéraires sont construits : le temple funéraire de Ramsès II, le Ramesseum, à l’ouest de Thèbes, le temple de Ramsès III, à Medinet Abou. Les murs extérieurs de ces temples s’ornent de représentations, par exemple la bataille de Qadesh sur les murs du Ramasséum. Les Temples sont sensés être gardés par des génies qui forment une enceinte éloignant les influences néfastes. L’ennemi politique est identique à l’ennemi religieux, ils sont tous deux des incarnations des forces du chaos qui remettent en cause l’équilibre de l’univers créé et maintenu dans la création par le roi. C’est pourquoi la représentation du roi tuant l’ennemi c’est la même chose que la représentation du dieu luttant contre les forces du mal.

1.7        Le temple au nouvel empire

Le temple au nouvel empire est construit sur un plan type. Les temples que nous connaissons sont surtout ceux de la haute Egypte, et ceux que nous connaissons de la basse Egypte dans le delta nous montrent qu’ils n’étaient pas construits de la même façon. Il en est ainsi du grand temple de Tanis de la troisième période intermédiaire. La référence pour les temples du delta c’est le temple d’Héliopolis. Il s’agit d’un temple solaire, très ancien qui accentue les espaces ouverts, très caractéristiques de l’époque amarnienne. Or les temples que nous connaissons dans la haute Egypte avaient plutôt comme référence le culte d’Amon et se présentaient comme le montre le plan type.

 

Le temple est composé d’une succession d’espaces de plus en plus étroits et de plus en plus bas avec une focalisation vers la chapelle contenant le Naos où se trouvait la statue, la représentation du dieu. Le temple est un lieu de culte, mais pas pour le public. On y entretenait le dieu pour l’actualiser. Le culte consiste à donner des offrandes, le faire manger et boire, le distraire, le promener. Le culte est conçu de la même manière que la vie d’un très haut personnage.

La description du temple pour un Egyptien commence par le Naos et le sanctuaire à l’inverse de notre découverte par l’entrée.

1.8        Description du temple.

A l’entrée se trouvent des pylônes pouvant être précédés d’une allée de Sphinx, devant les pylônes il peut y avoir des obélisques. L’obélisque représente la pierre primordiale qui était dans le temple d’Héliopolis sur laquelle s’est levé le soleil lorsqu’il a été créé. De plus les obélisques étaient réputés chasser les nuages et la foudre. Le tonnerre et la pluie sont originaires du dieu Seth, dieu remuant qui a tué son frère Osiris. La pluie est maléfique. Les obélisques en chassant les nuages protègent le temple. (On trouve le même effet dans les gargouilles qui en canalisant l’eau de pluie lui fait perdre son caractère maléfique.)

1.8.1       Ouba

L’Ouba est la zone de transition entre le profane et le sacré, cet espace peut être plus ou moins développé selon l’endroit où peuvent se trouver les profanes.

1.8.2       Pylônes

Sur les pylônes est représenté le roi massacrant les ennemis. Ces constructions sont les deux montagnes entre lesquelles se lève le soleil qui doit affronter ses ennemis à l’instar du roi.

1.8.3       Péristyle

Le péristyle est la première cour entourée de colonnes. Les profanes pouvaient y entrer et y poser des stèles et des statues.

1.8.4       Salle hypostyle

C’est une salle couverte

1.8.5       La chapelle

La chapelle contient le Naos où se trouvait la statue du dieu ; là ne pouvaient entrer que des prêtres attitrés. Autour du Naos, dans la chapelle il y avait des chapelles dont l’une abritait la barque. On connaît des représentations de ces barques. Le public n’avait pas accès au dieu sauf lorqu’il sortait dans sa barque portée par des prêtres affectés à ce rôle.

Pendant la procession de la barque on va le questionner le dieu. Cette procédure oraculaire a un grand rôle dans l’Egypte ramesside. Une question était posée au dieu par exemple « untel a-t-il volé mon âme ? » cette question était écrite sur un ostracon. La réponse était donnée par le mouvement du prêtre au moment de la question, si le prêtre avance c’est oui, si le prêtre recule c’est non.

                 

1.9        Aspect de la religion : la piété personnelle

Le culte égyptien ne présuppose pas de piété personnelle. Il s’agit d’accomplir des rites, c’est par le culte que les dieux sont maintenus dans l’existence. Le culte est vital pour les dieux mais aussi pour l’Egypte. Le dieu entretient l’Egypte ; si le culte cesse le pays tombe. A l’époque ramesside on dit qu’il y a des aspects du dieu, par exemple l’aspect d’Amon-ré de « la bonne rencontre », cet aspect du dieu est lui même dieu, on lui fait une chapelle et on l’y vénère. Ces dieux locaux sont promenés et peuvent être intérogés par les prêtres. Il y a aussi des cultes populaires. A Deir el Medinet le dieu Meret Seger est adoré localement. La piété populaire ou personnelle induit un type de relation avec la divinité, il ne s’agit pas d’un culte mais d’une relation personnelle, fondée sur le fait que le dieu manifeste sa faveur ou sa défaveur.

Le culte officiel n’établit pas de relation avec le dieu, alors que dans le cas de la piété populaire la divinité agit directement sur la réalité et sur la personne.

Un artisan de Deir el Medinet raconte qu’il a fait un serment à tort au nom de la déesse et la colère de la déesse s’est manifestée en lui faisant perdre la vue. « j’ai supplié la déesse…et elle m’a de nouveau manifesté sa faveur et j’ai retrouvé la vue. Ainsi naissent les notions de péché, de châtiments et de miséricorde divine car la divinité revient sur sa décision. (cf les stèles décrites dans le catalogue de l’exposition de Deir el Medinet). Ce comportement personnel est antagonique du culte officiel et dissout le ciment social. On s’est demandé si ce type de comportement a généré la crise, ou si ce culte personnel a été généré par la crise. Il est clair qu’il y a une corrélation entre l’apparition de ce type de religiosité et la crise. Un texte de prière dit « O ! Amon toi qui viens au secours du pauvre et qui ne reçois pas de pot de vin » l’orant se tourne vers la divinité parce que les institutions sont défaillantes. Mais ce texte est un « topos », un texte convenu que l’on retrouve souvent.Traditionnellement la personne doit avoir un comportement ritualisé ; mais en même temps son cœur est le lieu où le dieu se manifeste. C’est par la manifestation du dieu dans son cœur que la personne peut bien se comporter dans la vie. Le cœur c’est ce qui pousse l’homme à obéir au roi. Par le coeur le dieu vient dans la réalité.

1.10    La culture et les école de littérature

Les ostraca et les papyrus de Deir el Medinet nous font connaître la culture de l’époque ramesside.

La culture est réservée à une infime minorité : 1% de la population savait lire et écrire, et la plupart des gens qui savaient lire ne connaissait que l’écriture cursive hiératique, très peu connaissaient les hiéroglyphes. La personne qui connaissait les écritures hiéroglyphiques était une personne importante. L’écriture est la parole du dieu ; l’écriture est le lieu où se dévoile quelque chose qui vient de dieu. Ces gens qui savaient lire étaient les scribes. (cf le scribe accroupi du musée du Louvre qui n’est ni accroupi ni scribe mais un prince). Les scribes sont formés dans des écoles. Ils reçoivent un enseignement qui est contenu dans les textes.

1.10.1  Les enseignements – le néo-égyptien

A l’époque de Ramsès II, il y a une réforme de l’enseignement. Le besoin de rendre efficace l’administration en ayant des scribes instruits a amené la rédaction de nouveaux textes écrits dans la langue parlée à l’époque (ou proche). En effet la langue écrite était figée alors que la langue parlée avait évolué. (cf l’arabe littéral du Coran par rapport à l’arabe dialectal). La nouvelle langue parlée est le Néo-égyptien. Ainsi coexistent deux langues : la langue sacrée écrite avec des hiéroglyphes et que l’on conserve dans les inscriptions des temples jusqu’à l’époque ptolémaïque, et la langue parlée qui se trouve dans les textes non sacrés. On trouve ainsi dans des textes écrits un substrat de la langue classique avec des éléments de la langue parlée. Un scribe qui transcrit des dépositions dans un procès mêlera langue classique et langue parlée. Selon la nature du texte (minute de procès, contrat…) il y aura plus ou moins d’éléments de langue parlée. Les textes destinés à l’éducation ne sont pas en néo-égyptien mais contiennent des éléments de la langue populaire. Cette langue caractéristique de l’époque ramésside c’est l’égyptien de tradition (Pascal Bernus) ; il imite imparfaitement l’égyptien de l’époque classique. On a donc trois niveaux de langue. 1)langue classique, 2)langue de tradition, 3)langue parlée. A cette époque on développe des anthologies scolaires, textes destinés à la formation des scribes. (Kermit=somme=patchwork de textes ). Ils correspondent à diverses situations que peuvent rencontrer les scribes. Progressivement ces sommes finissent par ne plus correspondre aux besoins ; on y introduit de nouveaux textes, des lettres ou des hymnes, la louange de Thèbes, l’incitation au travail… L’enseignement classique est profondément renouvelé à l’époque ramésside. Cette problématique est liée à une autre : la sacralité. L’écriture hiéroglyphique est une écriture sacrée liée à une langue sacrée pour des textes sacrés. L’écriture hiératique ne bénéficie pas de ce degré de sacralisation.

1.10.2  La sacralité dans la culture égyptienne

Dans la culture égyptienne l’événement primordial est la création du monde (sptépi). « la première fois » . Ce moment est fondamental, le dieu a mis en place les choses. (par la suite les hommes ont introduit le mal mais le mal ne fait pas partie de la création, il n’a pas été voulu par le dieu). L’objectif est d’essayer d’amener la réalité à ce moment idéal de la création. Il n’y a, dans la pensée égyptienne, aucune idée de progrès. Aucune idée de progrès n’est possible dans la pensée égyptienne puisque l’idéal c’était le moment où le dieu a créé le monde. Mais il y a un certain dynamisme qui s’inscrit car le roi veut élargir les frontières de l’empire, et ainsi rendre plus efficace le moment de la création. La sacralité c’est ce qui transcrit la volonté du créateur lorsqu’il a commencé à nommer les choses. Nommer c’est avoir accès à la réalité de la chose. Penser qu’il y a un lien ontologique entre le mot et la chose, c’est de la magie. C’est le mot qui a été utilisé pour créer la chose. Plus un monument est proche de ce moment de la création et plus il dure, plus il est sacré. Plus le matériau est dur ou résistant comme l’or, plus il est sacré. La marque de sacralisation c’est l’écriture hiéroglyphique, la langue sacrée, la pérénnité du support matériel. Il y a donc deux problématiques :niveau de langue et sacralisation. Le lien entre le mot et la chose fait que le rituel est aussi performativité : en disant la chose je la fais.

1.10.3  Performativité et sacralité.

Lorsque sur un relief on représente le roi faisant une offrande, il est effectivement en train de faire l’offrande. La performativité dans la pensée égyptienne va bien au-delà de l’écriture hiéroglyphique mais inclus aussi les représentations et les signes. Mais il faut aussi que cela s’inscrit dans un contexte rituel. Pour que ce soit efficace il faut que ce soit inclus dans un rituel. Performativité et ritualité vont de pair.

Exemple de relief :

Dans un relief il y a des représentations symboliques : le ciel soutenu par des étais, la terre, une table d’offrande et face à face le dieu et le roi. Le roi fait une offrande, il entretient le dieu, et en retour le dieu donne au roi le maat, l’ordre voulu par le créateur. Lorsque le créateur a fait le monde, il a repoussé les forces inorganisées et a fait de l’ordre. Une bulle organisée dans l’organisé. L’inorganisé s’appelle le NUN, c’est liquide au dessus du ciel comme la pluie vient du ciel , l’inondation du Nil , la nuit vient du Noun, les rêves aussi. Le roi maintient l’univers en action par le culte rendu au dieu. Le monde est constamment menacé. La menace pour les Egyptiens n’est pas seulement l’étanger, c’est tout ce qui vient se rebeller, s’opposer à la volonté du démiurge. Cette menace vient de l’incréé, de l’inorganisé. Le culte et les pratiques d’envoûtement ont pour but d’empêcher les populations de se rebeller. Les populations sont au nombre de 4 : les Egyptiens, les Asiatiques, les Lybiens, et les Nubiens. Ces quatre races type ont été créées par le créateur et sont donc bonnes. Cette notion de création des quatre races par le démiurge est ramésside

 

2         Le déclin de l’Empire - Troisième période intermédiaire

L’époque Ramesside marque une apogée instable. Après le règne de Ramsès II qui avait stabilisé l’Empire, l’Egypte dès Ramsès III, connaît une série de crises qui progressivement amène à la Troisième période intermédiaire (1069-715). Une série d’invasions est entrecoupée de phases de reprise du pouvoir par les pharaons égyptiens, notamment ceux de la XXVIème dynastie, époque Saïdique (612-525). ensuite l’invasion des Perses sera suivie d’une période de stabilité, puis d’une deuxième invasion perse et enfin de la conquête des Macédoniens sous Alexandre.

Ces périodes de déclin sont dues principalement à des facteurs externes, aux modifications profondes dans le Proche Orient. Pourquoi cette crise ? On se base ci-après sur une communication de Mario Liverani à Rome vers 1985 lors d’un colloque sur l’époque Ramesside.

2.1        Situation de l’Egypte dans la crise du Proche Orient

Le XIIème  siècle constitue un tournant et une rupture non seulement en Egypte mais aussi dans l’ensemble de la région, sur tout le Proche Orient. C’est un moment complexe avec d’une des déplacements de peuples, destructions de ville, effondrements de systèmes anciens et de civilisations centrées sur les palais, mais d’autre part la montée des groupes ethniques, innovations technologiques et l’élargissement des réseaux de communication. Les historiens sont trop souvent axés sur une idée de continuité, comme s’il y avait une continuité dans la période Ramesside et ils situent la rupture non pas au sein de la deuxième phase de la XXème dynastie mais plutôt après avec la troisième période intermédiaire et la conquête macédonienne.

2.1.1       Les états du Proche Orient au XIIIème siècle

Le Proche Orient au cours du XIIIème est constitué d’une série d’états régionaux. Ces états sont l’Egypte, le Hatti, les Mycéniens, la Syrie, la Babylonie et l’Elam etc. Ces états dominent leur aire en entretenant des relations directes ou indirectes. Autour de ces états organisés il y a la steppe désertique avec des populations faiblement organisées, plutôt tribales qu’étatiques. Le XIIème siècle est une période de migrations et en particulier les Peuples de la Mer sous le règne de Ramsès III. En même temps on a une extension des groupes qui précédemment étaient organisés sur un modèle pré-étatique, comme les Libyens qui vont jouer un très grand rôle pour l’Egypte pendant la Troisième Période Intermédiaire (TPI), en particulier entre 945 et 715 sous les XXIIème et XXIIIème dynasties.

2.1.2       Evolutions de la structure des états

Les résultats de cette crise sont inégaux : des états sont assez affectés comme le monde mycénien, le Hatti, le domaine asiatique de l’Egypte ; alors que certains états régionaux, comme l’Egypte, restent relativement stables. Pour Mario Liverani les zones qui ont été affectées par ces mouvements de populations vont réagir en s’organisant différemment. Soit sous la forme de cité-état soit sous forme d’états ethniques. Ces derniers connaissent une expansion notamment dans le nord du proche orient, en Arménie et en Iran, au sud en Arabie et en Libye. C’est une conséquence de la montée de la puissance de ces peuples qui passent de l’état tribal à l’organisation étatique. Ces états se stabilisent au cours du Xème  siècle, de qui dessine deux zones : une zone innovante qui se transforme sous l’action des événements, et une autre qui reste stable.

Les zones qui évoluent adoptent de nouveaux instruments qui permettent de développer l’économie. Les innovations sont caractéristiques de l’arrivé de l’âge du fer : l’écriture alphabétique, la technologie du fer et son utilisation à grande échelle, l’usage de nouveaux moyens de déplacement comme les chameaux, l’occupation des zones arides.

Les états stables refusent les innovations. C’est le cas de l’Egypte qui n’adoptera jamais l’écriture alphabétique avant le changement de culture apporté par le Christianisme. En effet l’écriture hiéroglyphique est une écriture sacrée liée au sacré lui-même. Les écritures hiéroglyphiques sont la parole du dieu. La conséquence c’est que l’écriture était incompréhensible pour la majorité des gens. Toutefois les Egyptiens étaient capables d’utiliser une écriture syllabique, ils l’utilisaient particulièrement pour la transcription des mots étrangers du Moyen Orient. (cf. l’arabe langue du Coran). Le fer et le chameau sont très difficilement adoptés par la civilisation égyptienne. L’Egypte se pense comme toujours égale à elle-même : le moment parfait c’est la création. On peut étendre la sphère de l’organisé en repoussant les frontières. Si ce pays continue sur sa lancée il est en porte-à-faux en raison des modifications qui se produisent dans son environnement.

2.1.3       Changements dans les systèmes de relations internationales

Le système des relations internationales change. Avant le XIIIème siècle il est polycentré entre états égaux dans les relations diplomatiques. Puis avec les progrès et les pressions notamment exercées par les Hittites en Syrie, l’Egypte est amenée à revoir sa position. La pression exercée à Qadesh a pour conséquence l’interruption des relations vers la Mésopotamie. Après la chute du Hatti au XIIème siècle, et l’émergence de cités, et l’Egypte est privée de ses relations, comme avec la mer Egée, l’Anatolie, l’Arabie et la Nubie. Le système de relation de l’âge du bronze ne fonctionne plus s’il n’y a plus d’hégémonie. Le commerce jusqu’à la fin de la XVIIIème dynastie était inter régional avec des implications politiques et cérémoniaires. Du point de vue pharaonique ces relations ne pouvaient être d’égal à égal : les vaincus se soumettaient aux vainqueurs. Les relations étaient fondées sur le prestige. De la même façon, jusqu’à la fin XVIIIème siècle, on ne voit pas l’intérêt de développer les ressources locales puisqu’on peut en avoir à l’extérieur comme du cuivre à Chypre.

2.1.4       Evolution interne en Egypte

A partir de ces changements extérieurs l’Egypte est amenée à se retourner vers ses propres ressources. Par exemple dans la recherche de mine de cuivre. Mais cette attitude a ses limites et vers la fin de l’époque Ramesside l’extraction du cuivre se révèle insuffisante car les métaux circulent dans un cadre beaucoup plus large : le bassin méditerranéen, laissant l’Egypte à l’écart. Prenons l’exemple de la production de l’or ; il provenait surtout des conquêtes et pillages, il venait aussi de Nubie. Les états qui voulaient s’approvisionner en or devaient passer par l’Egypte. Dans la deuxième phase où l’Egypte tente de développer ses ressources, l’exploitation directe des mines est augmentée. Mais la perte relative du contrôle sur la Nubie combinée aux développements d’une nouvelle route commerciale qui passe par l’Arabie du sud vers la Transjordanie, va mettre à l’écart l’Egypte du réseau commercial. D’autres cités en prennent le contrôle notamment les états ethniques du désert et les cités-états de la côte. Il en va de même pour l’encens et les épices.

2.1.5       L’Egypte et sa domination sur les états

Ce n’est pas seulement un problème de route et de transport, il s’agit aussi de l’organisation du commerce. L’ancien système était centré sur le palais, c’était un état centralisé simple. Le nouveau système est plus souple et met l’accent sur les cités états. La domination de l’Egypte sur les petits états de Syrie-Palestine évolue aussi. A l’époque de Thoutmosis les relations avec ces états consistaient en raids ou rezzous : l’armée arrive, pille, se retire en laissant des postes fortifiés contrôlant la zone où elle s’est avancée. La politique s’appuyait sur deux éléments : les garnisons et le maintiens des structures locales. Avec la stabilisation du XVIIIème siècle la politique de raid n’était plus nécessaire : il y a des expéditions qui collectent des tributs. Ce système du XVIIIème siècle devint inefficace pour affronter la nouvelle situation en particulier la montée des chefferies ethniques locales exercent une pression qui oblige l’Egypte à augmenter sa présence dans ces zones. L’armée augmente; elle devient une armée de métiers avec ses corps de mercenaires. L’image du Pharaon change, il devient un chef de guerre. Puis comme l’Egypte ne peut plus faire face seule au besoin de soldats, elle fait appel à des mercenaires notamment des Philistins. Mais l’utilisation de mercenaires amène les pays d’origine à faire pour eux même des expéditions.

2.1.6       Evolution des relations avec la Libye

A l’époque de Ramsès II, l’Egypte s’est protégée de la Libye en construisant des forts et fortins le long de la route qui longe la mer. Cette route permettait de faire des échanges avec la Libye. Mais sous Ramsès III, les Peuples de la Mer rompent cette pression que l’Egypte exerçait sur la Libye

La période de Ramsès III marque la fin d’une domination effective et concrète sur les pays qui l’entourent. Même si l’Egypte n’est pas chassée de la Palestine, sa domination est ébranlée, et progressivement s’affaiblit. A la TPI avec Shéshonq (Sisak de la bible) il y aura une tentative de rétablir la domination.

2.2        Pourquoi l’Egypte a perdu son Empire

L’Egypte n’est plus à même d’assurer le niveau de sa puissance. Cet affaiblissement interne arrive en même temps que le changement à l’extérieur du pays, au Proche Orient. Pendant l’âge du bronze les états s’appuyaient principalement sur un territoire. A l’âge du fer un autre élément est très important : l’appartenance à une ethnie est un facteur de reconnaissance. Cela est plus complexe que la simple territorialité et il est plus difficile de dominer une ethnie qu’un territoire (par ex. la Nubie) A la fin de l’âge du bronze, l’Egypte dominait la Nubie par des forts construits à des endroits stratégiques comme les cataractes. ….(dev. sur les cataractes et sur les forts actuellement sous les eaux d’Assouan). La montée en puissance du royaume de Napata en Nubie bloque les possibilités de l’Egypte d’aller vers le sud. Les cités états de la côte palestinienne ou phénicienne et de Syrie ne peuvent pas s’en tirer seules, mais elles sont plus actives, ayant des outils technologiques plus efficaces, allant de l’alphabet au fer et aux outils de gestion permettant un commerce plus libre. Même chose en Transjordanie, dans le Hedjaz en Arabie et au Yémen. En Libye les choses sont différentes ; le territoire est aride et la démographie est en progression. Les Libyens vont occuper le Fayoum et le delta. Les petits états ne pouvant agrandir leurs territoires s’agrègent en Empire en intégrant d’autres cités états. Les Empires n’ont pas besoin de modifier leurs conquêtes ils laissent en place l’organisation locale et les religions diverses, les réseaux commerciaux, les privilèges locaux etc. C’est le type de l’Empire Perse à l’époque de Cyrus au VIème siècle. Il y avait eu des tentatives partielles dans le cadre de l’Assyrie,  puis de la Babylonie, de la Médie. En Egypte à l’époque Saïte (672-525) une tentative inclut des traits caractéristiques d’une époque nouvelle : l’incorporation de mercenaires grecs, attention portée à la Mer Rouge.

En résumer le déclin de l’Egypte vient de son incapacité à évoluer et à adopter des innovations technologiques dans un environnement affaibli.

2.3        La Troisième Période Intermédiaire

Les prémices de cette Troisième Période Intermédiaire apparaissent sous Ramsès XI (1098) qui proclame la période des « renaissances ». L’affaiblissement du pouvoir royal notamment dans la région thébaine a plusieurs conséquences :

1-       La montée des grands prêtres d’Amon à Thèbes

2-       la monté de potentats locaux.

En particulier une grande cité de la branche orientale du delta, à 30km de la mer Tanis devient un centre important. Il y eut une polémique autour de cette ville. A l’époque Ramesside, les Ramsès font construire dans le delta une ville résidence à Pi-Ramsès. Lorsque Tanis a été fondée, les constructeurs ont utilisé beaucoup de blocs de construction provenant de Pi-Ramsès. Au début des fouilles, il y a donc eu confusion entre ces deux villes.

A la fin de l’époque des Ramsès un gouverneur a été envoyé par Thèbes pour régir la ville de Tanis. Il va agir comme un administrateur de la basse Egypte. Un texte littéraire de cette époque est très révélateur des relations commerciales internationales de l’époque c’est le rapport d’Ounamon. Ce voyageur a été envoyé au Liban par les prêtres d’Amon de Thèbes se procurer du bois pour construire la barque d’Amon. Le bois était rare en Egypte et en particulier les grands bois pour construire les bateaux.

A ce premier gouverneur succède un personnage qui va progressivement prendre les titres de Pharaon. Tanis devient capitale d’une nouvelle région au nord. Un système compliqué se met en place avec :

1-       à Thèbes un pouvoir royal affaibli et contrôlé par le pouvoir du prêtre d’Amon,

2-       le nouveau pouvoir de Tanis avec Smendes, en quelque sorte le fondateur de la XXIème dynastie.

L’accentuation du pouvoir de Thèbes fait apparaître un nouveau pouvoir : la Théocratie. Les prêtres ont le pouvoir au Sud. Ils règnent directement sous l’influence du dieu Amon.

2.3.1       La théocratie – rôle de l’oracle

Les procédures oraculaires ont un rôle très important dans la théocratie de Thèbes. L’emprise des prêtres d’Amon à Thèbes s’étendait au nord jusqu’à la région du Fayoum, et à ELHIBEH sur la rive est du Nil. Cette ville est le point extrême nord de l’influence des prêtres de Thèbes, c’est une énorme forteresse avec une ville au sud et une nécropole à l’est. C’est là qu’on a trouvé la correspondance d’Ounamon. On y adorait une forme locale d’Amon l’aspect de la divinité devenant un dieu lui-même. (Amon – grand-de-hurlement) A El-Hibeh se trouvaient des oracles comme à Thèbes. Le poids de Thèbes dans la pensée de l’époque est énorme. Si l’on regarde le plan de Tanis on voit une grande enceinte dans laquelle se situe un temple d’Amon, le temple principal, un peu à l’écart un temple de Mout et un temple de Rouansou ; c’est la triade de Thèbes : père, mère, enfant. Les fouilleurs ont compris que le correspondant de Karnak était ces temples et qu’il devait y avoir l’équivalent de Louxor.

Le poids de Thèbes était donc important, certain voulaient s’y faire enterrer. Une nouvelle forme de pensée théologique apparaît. Amon est supérieur : le plus ancien et le créateur. Il continu de maintenir son emprise sur la création en temps que dieu solaire et maintient son pouvoir par des oracles. Le nom d’Amon apparaît dans des cartouches comme un roi. Dans le préambule d’un décret oraculaire proféré par Amon « Ce dieu vénérable maitre de tous les dieux Amon-ré maitre du trône des deux terres qui réside à Karnak … le premier primordial qui a donné naissance aux dieux primordiaux … à partir du quel tout dieu est apparu, l’unique des uniques qui a fait ce qui existe, qui a provoqué le début de la terre … aux multiples apparences, dont on ne connaît pas la forme » On a ici un témoignage de l’Hénothéïsme : le fait de considérer qu’il n’y a qu’un seul dieu véritable Amon. Les différents dieux n’étant que des aspects du dieu Amon. Cela permet de maintenir les cultes locaux en les intégrant dans le culte d’Amon. Il est le garant de la vie quotidienne. Des textes caractéristiques de Thèbes et de la XXI ème dynastie sont des décrets oraculaires en faveurs de quelqu’un. Des textes inscrits sur de longues bandes de papyrus roulés très serrés était mis dans un réceptacle et portés au cou (philactères) Cette 21ème dynastie a un caractère spécial par rapport aux période précédentes. (Il y avait déjà des petits textes en facicules, ils sont des chapitres supplémentaires du livre des morts.) Dans ces textes le dieu Amon figure en première place en particulier dans des allusions à la Lybie. A partir de la 18ème dynastie dans la région de Kerma on avait associé Amon avec le bélier de Lybie. A cette époque au Gebel Barkal au Soudan on adorait un bélier (nom nubien : Saka). L’origine du dieu Amon était  considéré comme étant en Nubie, Gebel Barkal était considéré comme la Thèbes du sud.

2.3.2       Tanis

A Tanis un roi Psousennès (1040-993) se réclame d’Amon, de Mout et de Ronsou et fait ériger son tombeau dans la zone du temple. Bien des temples ne suivent pas les critères de Thèbes. Mais suivent des traditions communes aux temples d’Hiéropolis. Hiéropolis était le lieu du culte du dieu Ré. A partir de la 5ème dynastie on y a retrouvé des temples très particuliers, des temples solaires caractérisés par une sorte d’obélisque au centre de l’enceinte du temple, un obélisque trapu, et des salles ouvertes où l’on abattait les animaux. La pierre Benben est le lieu où est apparu le soleil A Tanis on retrouve la même chose : des temples à ciel ouverts, où les obélisques sont trouvés en grand nombre ainsi que des naos avec la statue du dieu. Ces naos sont importants, on en a retrouvé dans les brises lames du port d’Alexandrie. Le mot Benben est attesté à l’époque : c’est une racine redoublée marquant l’intensité ; on retrouve cette racine dans ouben = se lever. La racine ben est liée à l’idée de quelque chose qui se lève, qui apparaît. Le site de Tanis s’inscrit dans une double tradition : Thèbes et Héliopolis. Le fait d’utiliser des remplois montre que les ressources des souverains de Tanis étaient limitées. On trouve aussi beaucoup d’objets en relation avec Thèbes. On faisait grand cas des objets venant de Thèbes. Les remplois ne se faisaient pas au hasard, exemple l’utilisation d’un bloc comportant un gros oeil placé bien dans l’axe du temple.

2.3.3       Dualité du pouvoir entre Tanis et Thèbes.

Dans le delta, la situation est mouvementée du fait de la pression des Libyens. A Thèbes les constructions de la 21ème dynastie sont peu importantes. A cause de l’insécurité, les sépultures royales sont transportées dans des cachettes. Notre connaissance des Rois de la 21ème dynastie est lacunaire. Siamon reconnu par les grands prêtres de Thèbes et Memphis apparaît dans la Bible : il marie sa fille à Salomon. Il lui cède la place forte de Gezer (1 rois 9-16/24). La destinée des rois de Tanis est peu brillante. Une place à part est à faire au roi Sheshonq qui mène une brève campagne et prend Jérusalem (1 rois 14-25/27) (raid pillage) Il ramène de l’or à Tanis. Cela fait que l’on trouve des objets précieux dans les tombes de Tanis. « Le trésor de Tanis » au Caire a été trouvé par Montet en 1940. A la fin du règne de Sheshonq il y a des agrandissements du temple de Karnak.

En même temps que le pouvoir régional de Tanis deux villes sont importantes pour la suite de l’histoire : Bubastis et Saïs.

2.3.4       Bubastis et Saïs

La XXIIème dynastie à partir de 954 jusqu’à 818, appelée la dynastie de Boubastis par Maneton (« lieu de la déesse Bastet ») et la XXIIIème dynastie jusqu’à 730 résident dans cette ville. Malgré des réalisations architecturales importantes, on voit se développer la présence des Libyens qui s’installent en grand nombre dans le delta occidental. Ils jouent un rôle de mercenaires employés par les rois locaux. En particulier les « Ma » ou Libou étendent progressivement leur souveraineté sur la frange ouest du delta. Les rois de la 21 ème et surtout de la 22ème dynastie vont récompenser la fidélité de ces Libyens par un système d’apanage : les charges deviennent héréditaires. Cela amène une désagrégation du pouvoir, des querelles de clans ou de groupes. Les différentes principautés du delta vont s’allier aux plus puissants selon ses circonstances. L’Egypte s’achemine vers une situation où elle est coupée en deux monarchies. Dans le Sud des souverains ajoutent à leur nom « Fils d’Isis », d’autres dans le Delta se qualifient de « fils de Bastet ». Dans le delta des principautés se constituent avec des chefs libyens. Le centre de puissance libyenne en est SAÏS. Par la suite Saïs sera un foyer de réunification pour l’Egypte. En 725 entre Assouan et la Méditerranée, on compte cinq pharaons !  A Thèbes, ce sont alors des Soudanais qui apparaissent avec Piankhi (751-716, 25ème d.), en moyenne Egypte les villes moyennes ont leur importance. Dans le delta, des villes comme Tanis et Bubastis jouent un grand rôle. Les grands chefs libyens aussi.

Cette situation de morcellement très accentuée conduit à un affrontement entre 3 puissances : un royaume égyptien qui se reconstitue avec les Libyens à SaÏs et deux autres pôles : les rois nubiens et les Assyriens qui commencent à être présents aux frontières de l’Egypte puisqu’ils dominent le Liban, la Judée et la Palestine. Les autres pouvoirs notamment celui de Tanis continuent d’exister mais très affaiblis.

Une véritable reconquête de fait progressivement par une dynastie soudanaise qui se réclame de la tradition Egyptienne et du dieu Amon. Elle n’est pas perçue comme étrangère à l’Egypte.

Cette poussée du sud s’implante dans la vallée au cours de la campagne triomphale du roi Piankhi, connue par une stèle. Piankhi reconquiert et réunifie l’Egypte avec la 25ème dynastie.

L’étude de cette culture soudanaise est très importante pour la compréhension de la culture égyptienne. L’objet de la prochaine séance de cours : Le Soudan du nouvel empire à la 25ème dynastie

 


3         La Nubie

Depuis la préhistoire jusqu’à la fin de l’Egypte des Pharons, la Nubie connaît une activité qui se développe en relation plus ou moins conflictuelle avec l’Egypte jusqu’à ce qu’un souverain nubien réunisse les deux pays sous une seule souveraineté. Ce cours décrit la Nubie du quatrième au premier millénaire, puis la dynastie nubienne qui sera la XXVème dynastie égyptienne et enfin la perception de la Nubie par les Egyptiens.

3.1        La Nubie jusqu’à la XXVème dynastie

A début du XXème siècle G. A. Reisner a distingué les époques et cultures nubiennes par des lettres :

1-                  La culture du groupe A (environ 3700 à 2500) correspondant au Nagada II  en Egypte,

2-                  La culture du groupe C (environ 2300 à 1500) correspondant à l’ancien et au nouvel empire en Egypte,

3-                  Le royaume de Kerma.

3.1.1       Le Pays des cataractes

La Nubie se caractérise par la vallée du Nil. Celui-ci qui est interrompu par les cataractes.  Ces cataractes sont provoquées par des affleurements de roches plus dures que celles du reste du lit du fleuve. A Assouan c’est un affleurement de granit rouge, beaucoup plus résistant à l’érosion que le calcaire, qui fait obstacle au cours du fleuve. La grande longueur du Nil et la faible déclivité moyenne qui en résulte ont fait que ces barrières rocheuses n’ont pas généré de cascades, mais plutôt une série de rapides. (Khartoum 400m d’altitude, Assouan 100m, 1800 kilomètres) La basse Nubie actuellement inondée par les eaux du barrage d’Assouan, est située entre la première et la deuxième cataracte. Ces cataractes constituaient des obstacles à la circulation des bateaux égyptiens pour remonter et descendre le Nil à la recherche des denrées provenant du sud. Aussi a-t-on a trouvé une sorte de toboggan constitué d’une glissière d’argile sur laquelle on pouvait contourner la cataracte en y faisant traîner les bateaux lorsque le niveau du Nil était bas ; lors des crues la navigation devenait dangeureuse. A la deuxième cataracte des places fortes furent érigées pour contrôler le commerce mais aussi les agressions : Bouhen et Mirgissa. La troisième cataracte est située dans la région de Kerma où s’est développé un royaume. La quatrième au Djebel Barkal, siège de la famille royale qui donna la XXVème dynastie. Entre la troisième et la quatrième cataracte, le Nil fait une boucle qui l’oriente du Nord-Est au Sud-Ouest (dans le sens où il coule)

3.1.2       Le groupe A  (3700-2800)

La culture du Groupe A qui tire ses origines de la tradition néolithique de Nubie et sans doute du Nagada égyptien, s’est organisée en chefferies ou principautés dès le milieu du IVème millénaire (3700). Située entre la 1ère et 2ème cataracte, la Basse Nubie est une région de transition entre la haute Egypte et des régions plus au sud. Cette culture s’étend progressivement vers la troisième catarate vers Kerma. On distingue trois phases : ancienne (3700-3250), classique (3250-3150) et finale 3150-2800). Le groupe A est une zone tampon tributaire des relations de l’Egypte avec le centre de l’Afrique et la côte de la Mer Rouge. De ces zones viennent des produits très appréciés en Egypte tels que l’ivoire, l’ébène, l’encens, les peaux d’animaux, l’or. Le bétail tient une place importante dans les populations nubiennes.

Dans les tombes on trouve du mobilier emprunté à l’Egypte nagadienne. Mais l’absence d’objets égyptiens postérieurs à la première dynastie semble indiquer un arrêt des relations de l’Egypte avec la culture A.

L’inhumation est pratiquée dans une fosse circulaire, ovale ou sub-rectangulaire. Le squelette est couché sur le côté gauche, en position contractée, tête au sud, face à l’ouest, ce qui indique des rituels codifiés, vraisemblablement empruntés à l’Egypte. Il porte parfois des parures, colliers et bracelets, des vêtements de lin ou de cuir. On a trouvé des figurines en terre cuite. On s’est posé la question des sacrifices humains et de la hiérarchisation de la société. Le manque de source oblige à se fonder uniquement sur le matériel archéologique.

Dans leur ensemble, le contenu et la taille des tombes indiquent une société tribale de type égalitaire, mais quelques objets exceptionnels, découverts dans les sépultures de taille plus importante, témoignent indéniablement de l’émergence progressive d’une élite locale au cours des phases. (www.mairie-villeneuvedascq.fr/histoire/expositions/egypto/expo/sepa.htm)

Les établissements humains sont de petites tailles : des huttes de construction légères, mais parfois en pierres reliées par du limon indiquant le siège d’une chefferie. La céramique du groupe A est caractéristique : surface polie avec décors géométriques inspirés de la vannerie ; des vases rouges à bords noirs (cf Nagada). Poterie plus fine peinte en rouge foncé.

3.1.3       Le groupe C  (2300-1500)

A partir des IVème et Xème dynasties égyptiennes des campagnes militaires d’envergure sont menées. Elles vont investir des sites stratégiques proches des mines ou des voies commerciales. Dès l’ancien Empire il y a des centres fortifiés comme à Bouhen au nord de la Deuxième cataracte, et Mirgissa. La culture du groupe est très liée à celle de l’Egypte qui va administrer cette zone jusqu’en 1750. De la XIIème à la XVIIIème dynastie les populations sont relativement indépendantes et enrôlées comme mercenaires.

Comme pour le Groupe A, différentes phases de développement ont été distinguées.

A l’ancienne époque C, on trouve quelques villages importants entourés par des enceintes dotées de porte, des forteresses rectangulaires.

Les tombes contemporaines de la VIème  dynastie (ancien Empire/groupe C Ancien) sont des tumulus constitués d’un cercle de pierre soigneusement établie et remplis de gravier. A l’est, des céramiques attestent de repas funéraires ou de libations. Dans les fosses rondes ou ovales, le défunt repose en position contractée ou fléchie sur le côté droit, la tête à l’est. La mort dans la pensée Egyptienne est un retour à un état antérieur. Le sarcophage est « Mout = mère » Le retour à un état antérieur permet la re-naissance.

Le vêtement est généralement de cuir, quelquefois rehaussé de motifs géométriques en perles de faïence ou d’os. Peu d’ornements. Les tombes du Groupe C de cette époque ancienne découvertes à Kerma ont une superstructure faite d’un seul cercle de stèles de grès, retenant un remplissage de gravier blanc.

Pendant la phase suivante correspondant à la fin du moyen Empire et la deuxième période intermédiaire en Egypte, les sépultures consistent en fosses rectangulaires dont les parois sont doublées de pierres et le pourtour de la tombe est consolidé de pierres dressées, des chambres funéraires montées en briques ; Le mort est parfois sur un lit avec des animaux sacrifiés et des offrandes. Il y a là l’influence de la culture de Kerma. On y trouve aussi beaucoup d’équipements d’archers. Les Nubiens étaient recherchés en Egypte pour leur qualité d’archer. Ils sont souvent représentés avec un arc. Dans les sépultures on trouve des poignards, des figurines en terre d’animaux et d’hommes. A l’est on voit apparaître des superstructures de chapelles allant jusqu’à 16 mètres de long, entourées de bucranes (têtes de bœuf avec cornes). Les frontons sont décorés en rouge et noir (en Egypte les portes de maisons étaient peintes en rouge pour éloigner les influences néfastes). Il y a à cette époque une poussée démographique importante. Les pasteurs commercent avec la population de Kerma ville située aux environs de la troisième cataracte. La culture de cette région est à la fois influencée par les traditions locales, la culture de Kerma et la culture Egyptienne. La poterie est spécifique, très reconnaissable : elle est noire, souvent hémisphérique avec des motifs géométriques décorés d’une pâte blanche remplissant les interstices.

3.1.4       Le Royaume de Kerma

A partir de 2500, une nouveauté apparaît : le royaume de Kerma. Kerma est la seule ville du royaume qui a été fouillée. Elle est située sur la rive droite du Nil, à environ une vingtaine de kilomètre en amont de la Troisième cataracte. Cette capitale présente une structure complexe. Des nécropoles environnantes ont aussi été fouillées. Le royaume de Kerma était la destination méridionale d’expéditions égyptiennes, par exemple à la VIème   dynastie les expéditions d’Erouf, le royaume de Kerma correspondrait à ce que les Egyptiens appelaient le « IAM ». La ville de Kerma est alors en pleine expansion et dispose d’un système défensif. L’influence de ce royaume va assez loin vers le sud, jusqu’à la quatrième cataracte. Ses populations sont actives et sont difficilement contenues par les Egyptiens, cela se voit par le gigantisme des forteresses égyptiennes qui sont aussi des comptoirs d’échange des produits. Dès la deuxième période intermédiaire, les populations de Kerma occupent la basse Nubie profitant de la désorganisation de l’Egypte. Au début du nouvel Empire, lors de la restauration de l’Empire égyptien, des campagnes sont à nouveau menées et vont aboutir vers 1500 à la destruction de Kerma.

Le site de Kerma a été visité tôt dans le XIX siècle. Il y a la DEFFUFA : terme nubien désignant les ouvrages fortifiés en briques crues. Sur le site de Kerma de trouvent deux énormes ruines de terre.

A Kerma on distingue trois périodes : Kerma ancien, Kerma moyen, Kerma classique.

3.1.4.1     Kerma ancien

La nécropole se développe du nord vers le sud, les tombes primitives sont marquées en surface par des petites structures arrondies d’environ 1metre de diamètre, à l’est on trouve des bols ou des jarres retournées, avec des traces de pailles et de liquide du coté ouest indiquant des traces de libation. La fosse elle-même est ovale ou circulaire, le mort mis entre des couvertures de cuir est en position contracte ou fléchie, la tête est placée à l’est coté du soleil levant le haut du corps est protégé par du lin, un petit sac en cuir est posé sur le bassin, il contient un sceau en terre cuite. (Beaucoup de gens en Egypte ne savaient pas lire aussi utilisaient ils les sceaux pour signer.) La Céramique est souvent carénée (changement de courbure dans la panse) avec un fond pointu, de couleur rouge à bord noir. Ornementation géométrique aux décors rehaussés de pâte rouge.

Pendant le Kerma ancien : les tombes s’agrandissent jusqu’à 8 mètres et consistent en tumulus entourés d’un anneau de pierres liées entre elles par du limon ; le centre est rempli de cailloux blancs et forme un dôme aplati. Au sud on note la présence de bucranes.

3.1.4.2     Kerma moyen

Au Kerma moyen : la complexité augmente. Beaucoup d’animaux, des troupeaux entiers sont inhumés comme des moutons ornés de perles et de plumes d’autruche sur la tête. Dans les sépultures on trouve des arcs, des carquois, des flèches, des dagues, des bijoux en or et en argent, des chapelles et des petits oratoires du côté ouest. Il semble que les sacrifices humains tendent à décroître. On en trouve des traces ; en général on le sait à la position du squelette : sa tête est tournée contre terre.

A la fin du Kerma moyen les sacrifices humains augmentent, par contre les sacrifices d’animaux diminuent. Des familles entières avec enfants en bas âge sont sacrifiées près du personnage principal : un homme couché sur un lit en bois dont les pieds ont forme de sabot de bovidé.

3.1.4.3     Kerma classique (-1750 –1500)

Au Kerma classique le royaume s’épanouit avec un système religieux très complexe et des tumulus très importants d’un diamètre pouvant aller jusqu’à 90 mètres. Sous un amoncellement de terre cloisonné par des murs de refend, ils comportent un caveau voûté accessible par une allée centrale. L’ archéologue Reisner y a trouvé des squelettes en position contracte et sacrifiés avec un mobilier très riche fait de lits en bronze incrustés d’ivoire, de chevets, de modèles de bateaux, de vases en pierres etc. A côté de ces tombes se situent les Déffufa, deux grands monuments de briques crues comportant deux longues pièces chacune reliés par un petit corridor et dont les parois sont très décorées avec des peintures figurant des bateaux, des animaux et des scènes de la vie quotidienne. Les parois Est et Nord avaient une thématique proche des tombes égyptiennes du moyen empire : scènes de pêche dans les marais, combats de taureaux, ces scènes ne sont pas seulement un agrément mais elles ont surtout une signification religieuse. A l’époque ptolémaïque, on trouvera des explications. Ainsi les poissons représentent les corps des ennemis, les oiseaux sont leurs âmes. Sur la paroi ouest, figurent des girafes des bovidés ces représentations rappellent les palettes égyptiennes. Des objets de bronze manufacturés sur place ont été trouvés. (poignard, haches, rasoirs, pinces, miroirs etc.…)

La ville de Kerma s’est développée autour d’un premier lieu de culte au deuxième millénaire. A l’origine c’était un établissement protégé par des palissades. Dans un premier temps la ville est constituée de tentes et de huttes circulaires, les réserves alimentaires étaient alors plutôt placées dans le sol, dans des cavités dont les parois étaient enduites ; puis l’usage de la brique s’est répandu et les premières maisons n’ont qu’une pièce quadrangulaire disposant d’une cour fermée où se trouvaient des silos circulaires construits en élévation.

Cette ville de Kerma s’étend considérablement durant la fin du Kerma ancien et du Kerma moyen. Des quartiers spécifiques s’élèvent tandis que le noyau primitif est recouvert par un ensemble religieux dont les composantes évoquent le temple égyptien avec toutes ses dépendances.

Un premier ensemble avec un temple majeur (deffufa occidentale) avec autour, des chapelles des ateliers et des magasins, une résidence réservée aux prêtres ou aux rois, est entouré d’un mur de 5 mètres de haut, avec, contre ce mur, des boulangeries.

Un deuxième ensemble ; à 50 mètres plus au sud, est constitué d’une très grande hutte au toit conique dominant des petites huttes. Etait-ce une résidence royale ?

Un troisième ensemble à l’Ouest est un ensemble palatial avec des magasins, des silos et une très grande salle d’audience. Les maisons sont implantées de façon irrégulière et de dimensions variables ; elles ont souvent une cour intérieure et un jardin. L’ensemble de la ville est entouré d’un fossé surmonté d’un mur de fortification. A côté de cette ville, une ville secondaire s’est établie au sud-ouest, elle-même fortifiée elle contient beaucoup de chapelles et d’ateliers peut-être liés avec le culte d’un roi défunt.

Les souverains de Kerma ont su tirer parti d’une situation géographique privilégiée qui leur assurait un rôle dominant au sein d’un réseau d’échange complexe entre le Nord et le Sud (axe africain vers le sud) et d’un autre axe menant du Darfour vers la mer rouge. Kerma est un intermédiaire obligé pour l’Egypte.

3.1.5       La dynastie des Kouchites

Au sud, dans la zone de la quatrième cataracte, dans les villes de Napata et Méroé, se développe au VIIIème siècle une dynastie indigène qui va durer assez longtemps et qui va régner sur le Kouch. Cette dynastie comporte deux phases : la première correspond à la résidence royale à Napata de 900 à 270 et la deuxième à Méroé de –270 à + 350. A l’origine Napata fut un avant poste du royaume de Kerma et la ville ne prend son importance que parce que les rois de la XVIIIème dynastie égyptienne vont y établir la position la plus méridionale de leur souveraineté. C’était une région de franchissement du Nil qui était empruntée par le commerce à longue distance soit pour aller de Kerma à Méroé (de la 3ème cataracte à la 5ème ) vers le Sud, soit pour aller vers le Nord. L’importance de la ville est surtout religieuse : de cette époque vient la croyance que le dieu Amon serait né à cet endroit, en particulier en relation avec la montagne sacrée. Il y avait aussi un culte du Bélier qu’on trouve dès le groupe A. Saka est le dieu bélier qui a les cornes enroulées et se distingue du dieu Khnoum qui a les cornes droites. Les Egyptiens ont identifié la divinité Saka adorée dans cette région avec une forme du dieu Amon. Le Djebel Barkal a eu une grande importance pour les Egyptiens en particulier sous la XVIII dynastie. Thoutmosis III y installe son premier point d’appui militaire dans le Sud. Le Djebel Barkal gardera son importance jusqu’à la XXème dynastie, alors qu’à l’époque la basse Nubie est pratiquement désertée. Dans plusieurs villes proches du Djebel Barkal comme El Kurru on trouve le culte du Bélier avec des sépultures dans la tradition nubienne. A la XXII ème dynastie des officiers nubiens sont intégrés dans l’armée Egyptienne et engagé dans les compagnes vers l’Asie (Syrie, Palestine, Sheshonq 1). Il y a transformation progressive des sépultures qui de rondes deviennent rectangulaires avec des chapelles. Puis apparaissent des petites pyramides avec des hypogées spacieux. Cela montre l’influence des pratiques funéraires égyptiennes en liaison avec l’influence des prêtres d’Amon venus de Thèbes.

3.2        Les rois de Napata et la ving-cinquième dynastie égyptienne

Alara (785-760)                                           

Kashta (760-747)                                        

Piankhy (747-716) (Piyé)                             

Chabaqa (716-702)                                     

Chabataqa(702-690)                                    

Taharqa (690-664)                                       

Tanoutamon (664-656) (Tanouétanani)          

 

Signe caractéristique de cette dynastie : les statues de Ba au sommet des pyramides funéraires. Ba est un oiseau à tête humaine, représentant l’âme. Au début de cette période, la Basse-Nubie avait connu une chute démographique qui créait un vide protecteur entre la Nubie et l’Egypte, d’autre part le pouvoir en Egypte était affaibli. Ces conditions ont facilité l’avènement de la dynastie des rois de Napata.

3.2.1       Alara (785-760)

Le premier roi d’El Kurru se nomme Alara. C’est un adorateur d’Amon qui s’impose contre un concurrent. Il s’intitule fils d’Amon sans prendre le titre de roi ni le signe de l’ureus. Il dominait toute la Haute-Nubie jusqu’à Kaoua. Il reprend la tradition des souverains égyptiens en construisant pour les dieux. Il réactive le culte d’Amon et en cela se pose en fondateur de la nouvelle dynastie.

3.2.2       Kashta (760-747)

Frère de Alara, Kashta dit le Koushite n’a pas de scrupule, il se dit roi de Haute et Basse-Egypte et étend son influence jusqu’en basse Nubie. Au Gebel Barkal, il fait agrandir le temple d’Alara en remplaçant les briques crues par de la pierre et, devant le pylône, fait ériger une allée de sphinx criocéphales ; tête de bélier. Le premier palais du temenos sacré pourrait avoir été construit sous son règne.

3.2.3       Piankhy (747-716) (Piyé)

Fils de Kashta, il restaure à Napata le grand temple commencé à la XVIII ème dynastie et achevé sous Ramsès II. Il y amène des statues de bélier et des stèles. Sur ces stèles, il explique qu’il détient sa souveraineté directement d’Amon et qu’il tolère d’autres rois en Basse-Egypte. Piankhy fait une expédition à Thèbes où il aurait été proclamé roi par l’oracle d’Amon. L’épouse du dieu adopte la sœur de Piankhy. Les princes du Nord forment une coalition sous le commandement du roi saïte Tefnakht, une campagne victorieuse de Piankhy met fin à cette rébellion. Hermopolis, en Moyen-Egypte se rend, Memphis est prise d’assaut. Une stèle du Djebel Barkal relate cette campagne. (Joy Soulé-Nan page 244). Dans ce texte Piankhy exprime sa grande piété envers les dieux et son souci de ne pas verser le sang. Après cette victoire, dans un premier temps, il se contente de régner sur la région de Thèbes et des oasis. Il reprend les noms de Thoutmosis 3 et de Ramsès 2. Il se présente comme la manifestation de ces grands rois du Nouvel-Empire dont il est le continuateur. Il se prépare une pyramide relativement modeste comme les autres pyramides de la région. Ce type de sépulture sera en vigueur pendant les 10 siècles suivants. Il fait des sépultures pour ses femmes ses concubines et même pour ses chevaux. La Nubie est alors divisée en provinces qui appartiennent à la famille royale comme les chefs d’armé et les grands prêtres ; Les anciennes villes de la Nubie reprennent de l’importance, chacune ayant son sanctuaire d’Amon, considérant que leur dieu local est une manifestation du dieu Amon. La population est constituée d’agriculteurs sédentaires et de pasteurs nomades et reste peu influencée par l’Egypte. Les coutumes funéraires forment un mélange entre les habitudes locales et égyptiennes. Les tombes rupestres des nobles montrent que les classes aisées tentent d’imiter le roi, notamment en faisant des tombes pour leurs chevaux préférés.

A l’extérieur de l’Egypte, les Assyriens ont pris Samarie et ont atteint Silé proche des frontières égyptiennes.

3.2.4       Chabaqa (716-702)

A la mort de Piankhy lui succède Shabaka son frère. Il monte une expédition vers le Nord pour soumettre et unir la Basse-Egypte. Le fait d’unifier l’Egypte et d’installer sa capitale à Memphis le fait considérer comme le fondateur de la XXV ème dynastie. Malgré tout, les souverains Koushites vont se faire ensevelir à Napata. Les deux parties du Royaume Koush et Amon sont réunies dans un passé mythique, et les rois s’en considèrent comme héritiers. C’est un retour à l’époque primordiale de Ré. Cette époque idéale est symbolisée par le double uréus porté sur les couronnes des rois.

3.2.5       Chabataqa (702-690)

L’aide apportée au roi de Juda pousse Sennachérib à se retourner contre les Egyptiens, mais le combat n’aura pas lieu, le camp assyrien ayant été ravagé par une épidémie.

3.2.6       Taharqa (690-664)

Taharqa, fils de Piankhy, dirige pendant vingt-six ans un territoire allant du delta à la confluence des deux Nils. Ce roi se présente comme un conservateur qui veut restaurer le passé. Les rois Koushites vont chercher leurs modèles dans les textes de l’Ancien et du Moyen-Empire. Cette volonté d’archaïsme est très affirmée. Ils choisissent des noms de règne parmi ceux des rois du Moyen-Empire. Ils restaurent des anciens temples. Par contre ils ont des coutumes propres : leurs couronnes : calotte étroite surmonté du double uréus ; une cordelière autour du cou dont les extrémités reposant sur les épaules sont ornées de têtes de bélier, des boucles d’oreilles en forme de bélier. Les règles de successions diffèrent de celle de l’Egypte : on a recours indifféremment au fils ou aux neveux du roi défunt et c’est l’oracle qui décide.

Le Djebel Barkal, l’Héliopolis du sud, est une montagne tabulaire avec une aiguille rocheuse qui s’en détache : un pilier géant de 75 mètres de haut ressemblant à une figure royale arborant la couronne de haute-Egypte ou à un ureus dressé…  Ce lieu est sacré, l’uréus ayant la capacité destructrice du soleil. La divinité est sensée résider dans la montagne. Cet uréus est l’œil de Ré qui est une déesse (la déesse lointaine venue au secours de Ré). C’est aussi la patrie de l’œil solaire, l’endroit où le soleil s’est levé la première fois. La création a eu lieu au Gebel-Barkal, et les rois prolongent ce moment primordial.

Taharqa marque l’apogée de cette dynastie koushite. Il passe sa jeunesse en Egypte, remporte une série de succès contre les Libyens et les peuples du proche orient. Il fait ériger des édifices à Tanis au Nord et au Soudan au Sud. A Karnak, le kiosque de Taharqa est célèbre. Il fonde de nouveaux temples en Nubie. Au sommet du pilier rocheux il fait graver des inscriptions dorées.

Pour protéger les frontières orientales, les souverains Koushites s’appuyèrent sur les petits royaumes du proche orient comme la Phénicie ou le royaume de Juda, ce qui excita la colère des souverains perses. Dès 669 les Assyriens réagissent ; ils vont faire pression sur les alliés de Taharqa puis concentrent des actions sur le delta du Nil. En 669, Tharqa fait retraite jusqu’à Napata. Il perd toute son armée, sa capitale égyptienne, son épouse et ses fils. (il a peut-être gardé son cheval !!!) Il fait alors ériger sa pyramide de 50 à 60 mètres de haut et d’une pente beaucoup plus accentuée que celle des pyramides égyptiennes. Le plan des salles souterraines s’inspire de l’Osiréïon (tombeau d’Osiris à Abydos)

3.2.7       Tanoutamon (664-656)

Tanoutamon fils de Shabaqa reconquiert l’Egypte en 663, mais en 662 les Assyriens reviennent et mettent à sac Thèbes. Les troupes du Nord et en particulier celles de Saïs sont de connivence avec les troupes assyriennes pour occuper le Sud.

3.2.8       Suite de la dynastie Koushite hors d’Egypte.

La dynastie Koushite continue à régner loin de l’Egypte et prend soin de conserver les traditions égyptiennes. Pour les Grecs qui affluent alors en Egypte, la Nubie est une sorte de très lointaine Ethiopie, les Nubiens sont un peuple « sans taches ». Osiris serait un Ethiopien qui aurait colonisé l’Egypte. L’Ethiopie était la terre d’élection des dieux…

 

3.3        Comment la Nubie était perçue par l’Egypte

La Nubie a bénéficié du prestige du culte d’Amon. Si, lors du Nouvel Empire ; l’Egypte a subi des influences étrangères de la part de la Libye ou du Proche-Orien, la Nubie n’a pas été perçue comme un pays étranger. On trouve des formules magiques nubiennes en relation avec l’origine nubienne du dieu Amon. Dans la conception égyptienne, il n’y a pas de distinction entre les ethnies et les races. Les Egyptiens distinguent quatre races : les Egyptiens, les Asiatiques, les Lybiens et les Nubiens. Toutes les races sont créées par le créateur, elles sont donc bonnes, elles ne sont pas mauvaises, par contre ce qui est mauvais c’est qu’elles se rebellent.

Piankhi se présente comme un super égyptien. Il a refusé de parler à des gens qui étaient incirconcis et qui mangeaient du poisson. La circoncision était d’ancienne tradition en Egypte et l’interdit du poisson était lié au mythe d’Osiris qui eut une partie importante de son corps mangé par un poisson.

Ce qui change dans la perception égyptienne c’est le sac de Thèbes par les Assyriens, lequel a une très grande influence sur la nouvelle perception que les Egyptiens se font des étrangers. La première domination perse n’a pas été trop mal perçue mais la deuxième est très mal passée. A la XXXème dynastie (380-343), il y eut alors une grande hostilité envers les étrangers avec une diabolisation du dieu Seth, dieu des confins désertiques et donc des étrangers. Un papyrus de l’époque, qui décrit un rituel pour renverser Seth raconte comment le dieu Seth, chassé par Amon vers l’Asie, revient en Egypte pour y saccager les temples et meurtrir les animaux sacrés avant d’être chassé à nouveau. C’est une allusion aux Perses associés au mal comme le dieu Seth.

L’Egypte au cours du premier tiers du premier millénaire voit sa puissance diminuer et est envahie périodiquement par les étrangers venus de l’Est qui pillent et détruisent les temples. Les occupants sont impurs. Le dieu Seth très déprécié est devenu le prototype et le patron des dieux étrangers. Les Asiatiques sont considérés comme particulièrement impurs et interdits d’accès aux temples. Dans ce contexte on voit que la Nubie continue d’avoir un statut privilégié. Sur un papyrus on lit que le génie le plus destructeur est qualifié de renzira ce qui veut-dire la truie.

Dans les temples les prêtres accentuent les rituels d’envoûtement. Les rituels entretiennent les dieux et les dieux entretiennent le pays et lui accordent des bienfaits. Si l’on n’accomplit pas les rituels les dieux s’effacent et c’est la fin du monde. A cette époque, on voit apparaître toute une littérature apocalyptique qui décrit une fin du monde.

A cette époque on insiste sur la pureté. Les Nubiens sont purs parce qu’ils respectent les rites et les interdits égyptiens. Hérodote (II, 41) dit que les Egyptiens considéraient les étrangers comme impurs parce qu’ils mangeaient les animaux sacrés. Ainsi Egyptiens ne pouvaient pas utiliser le couteau d’un grec car ce couteau avait coupé de la chair. L’Egypte « Temple du monde entier » a été profanée par l’introduction de l’impureté des étrangers.


4         La ville d’Alexandrie

- Description de la ville d’Alexandrie

- Le Christianisme égyptien des premiers siècles (jusqu’au IV)

4.1        Plan de la ville d’Alexandrie

Au bord de la mer Méditerranée au nord du delta du Nil, la ville d’Alexandrie se situe entre le lac Maréotis et la mer, sur un cordon littoral puis une île, Pharos rattachée à la terre par l’Heptastade, une digue qui délimite deux ports, le plus grand à l’est et un autre à l’ouest.

 

4.2        Fondation de la ville d’Alexandrie

Avant la fondation de la ville d’Alexandrie sous Alexandre le grand, il y avait un site égyptien appelé Rhacotis en grec, peuplé de pêcheurs et de gens qui contrôlaient le trafic sur les bras du Nil.

L’architecte Dinocratès, originaire de l’île de Rhodes, imagina les plans de la future ville. Ce plan tenait compte de tout ce qui était moderne pour l’époque.

Le récit de la fondation de la ville est relaté par Plutarque. Il raconte que manquant de poudre de calcaire pour dessiner le pourtour de la ville on utilisa de la farine que les oiseaux s’empressèrent de picorer. Les devins expliquèrent à Alexandre que c’était un excellent présage. La description la plus complète de la ville est celle de Strabon.) Strabon qui y a voyagé de l’année -26 à –20. C’est la seule description fidèle de cette ville (Strabon Livre XVII 6 édition Jean Yoyotte 1997, Nil édition Paris)  Une grande partie de la ville s’est affaissée dans la mer entre le IV et Vème siècle. Les installations portuaires ont été submergées. Cette zone a été remblayée pour constituer la « corniche » moderne. La construction du port moderne a modifié l’aspect de la ville. Depuis 1918 des fouilles s’y déroulent (cf Lempereur). Des relevés de nécropoles, de bâtiments et d’inscriptions ont été faits. De même la partie engloutie a fait l’objet de relevés précis. Le port de l’Est est mieux protégé que le port de l’ouest le Kibotos (boite) peu utilisé. La digue construite par Deinokrates est nommée heptastade (7 stades). L’île de Pharos déjà citée dans Homère portait un grand phare qui fut une des sept merveilles du monde. Rhacôtis est un quartier égyptien qui doit son nom à la présence d’un bâtiment important : il y avait là un poste de garde en dur.

La zone du delta où se trouve Alexandrie est très humide et marécageuse. La mise en valeur du delta date de l’époque Ramesside ; on y élevait les bovins et cultivait la vigne. C’était aussi une zone de refuge avec des populations instables et insoumises. En 169 ils se révoltent contre Rome. Des personnages de cette contrée inspirent des personnages de roman.

Plus à l’est se trouve la ville de Canope, ville de villégiature, qui a donné son nom à la via principale d’Alexandrie.

 

Il y avait cinq quartiers dans la ville d’Alexandrie. Ils étaient désignés par les cinq premières lettres de l’alphabet grec.

4.3        La population d’Alexandrie

Depuis la fondation de la ville la population était très mélangée. Le noyau de la population était d’origine hellénophone, organisé comme une ville grecque avec des tribus, un sénat, et une assemblée populaire. Les Macédoniens constituaient une sorte d’élite.  Ils fournissaient notamment la garde, la cour et les hauts fonctionnaires. S’y trouvaient aussi beaucoup d’Egyptiens et de Juifs. Au début les juifs résidaient dans un quartier à part puis rapidement, débordant de leurs quartiers ils se sont mélangés avec la population. Philon d’Alexandrie, auteur helléniste d’origine juive, raconte qu’à son époque on trouvait des synagogues dans toute la ville. Les juifs formaient une catégorie spéciale, ils n’étaient pas citoyens au sens strict, mais ils bénéficiaient de privilèges spéciaux avec leurs propres tribunaux, leurs propres archives, et leurs propres conseils. (polytagma = organisation particulière) C’est en liaison avec cette organisation que le besoin de traduire la Bible en grec s’est fait sentir ; c’est la Septante, de l’époque Ptolémaïque, qui a été faite dans un milieu juif héllènophone. En même temps, cette traduction avait pour but de faire connaître les institutions juives au pouvoir alexandrin.

Alexandrie était donc une ville cosmopolite où il y avait même des Indiens. (c’est à l’époque des Ptolémées que l’on a découvert le système des vents de mousson). Des missionnaires bouddhistes indiens envoyés par l’empereur Asoka (cf. musée Guillemet) viennent vers le roi Ptolémée 2. Devant la richesse intellectuelle et artistique de la cité, cette ville a été considérée comme la capitale par excellence de l’Egypte. (Dans les textes, Alexandrie est « ad » ou « ab » ou « apud » : ajoutée à l’Egypte. Le terme employé pour désigner l’Egypte à Alexandrie est Chora ( cora ) : à l’interieur c’est l’Egypte. (Ville côtière opposée au territoire intérieur

4.3.1       Le phare

Au troisième siècle avant notre ère, c’est la merveille du monde. Très haut il mesure plus de 100 mètres de hauteur, et son aspect est connu par des monnaies. Il était composé de trois parties : une base carrée, une tour octogonale, une tour cylindrique et enfin un cône abritant la lanterne. Il était visible à 50 kilomètres. Au pied du phare était construit un temple dédié à Isis. Le phare s’est effondré au moyen âge.

4.3.2       Le tombeau d’Alexandre

Le Sêma d’Alexandre ( soma ) ce terme fait allusion à la momie d’Alexandre. Ptolémée 1er aurait pris possession de la dépouille d’Alexandre pour la déposer à Alexandrie. Un autre Ptolémée construisit un autre mausolée pour y mettre Alexandre et les Ptolémées. (Strabon XVII – 8) Le tombeau d’Albâtre constituerait l’entrée du tombeau d’Alexandre dont la chambre n’existe plus. Dans le quartier de Rhacôtis.

4.3.3       le Sérapeion

le Sérapeion est le principal temple d’Alexandrie, construit par Ptolémée 1er sur la colline de Rhacôtis en plein quartier égyptien. Sa volonté est d’intégrer deux divinités : le taureau Apis et Osiris en une seule : Sérapis. C’est une divinité mortuaire dont l’iconographie comporte des traits mixtes : égyptien et grecs (Zeus et Asclépios). Ce culte unificateur, liant la culture hellénique et la culture égyptienne s’est diffusé jusqu’en Grèce.

4.3.4       Autres constructions :

Le Gymnase et un stade. Au gymnase César a accordé son pardon aux Alexandrins, Antoine y a proclamé Cléopâtre reine. Un hippodrome, un théâtre en bord de mer. Le palais se trouvait sur une petite péninsule. Le cap Lochias avançait plus loin dans la mer et protégeait le port plus que maintenant. Le palais royal se trouvait sur ce cap, les bâtiments royaux se trouvaient plus à l’intérieur. Ces palais et bâtiments ont été recouvert d’eau suite à l’affaissement de sol.

4.3.5       La bibliothèque

Dans ce quartier, se trouvaient musée et bibliothèques : des bâtiments abritaient des savants et des lettrés du monde entier qui étaient pensionnés. Les Ptolémées y avaient rassemblé un grand nombre d’ouvrages. Sous Ptolémée III il y aurait eu 500000 rouleaux, car il avait décrété que tous les voyageurs qui passaient à Alexandrie devaient prêter leurs manuscrits pour qu’ils soient recopiés et mis dans la bibliothèque. Il arrivait que l’original fût gardé et la copie rendue. Ainsi il fit venir d’Athènes des manuscrits officiels d’Eschyle, Sophocle et Euripide et les a gardés, en envoyant à Athènes les copies…

L’ensemble du musée comportait des amphithéâtres, des laboratoires, une salle commune pour les repas et un zoo et surtout la bibliothèque.  A l’origine de cette réalisation la personnalité de Démétrios de Phalère qui s’était mis au service de Ptolémée 1er. Cet architecte était nourri de la pensée d’Aristote qui avait une vision très encyclopédique du savoir. Strabon insiste sur l’ouverture intellectuelle et culturelle d’Alexandrie. (Strabon XIV, 5, 13 : « A Alexandrie, non seulement de nombreux savants sont accueillis, mais les Alexandrins envoient à l’étranger un nombre non négligeable des leurs. ») Le travail fait par ces savants était un travail d’érudition, de critique textuelle et de mise au point des manuscrits. Ils ont composé des recueils des classiques grecs, et épuré les textes du superflu. Ils ont mis au point des signes spéciaux comme le système de ponctuation et d’accentuation du grec (accents et esprits). Les sciences se sont développées : il y a été déterminé que la terre tourne autour du soleil, la circonférence de la terre a été mesurée.(Eratosthène) Euclide y écrit ses éléments. La machine à vapeur y a été inventée par Héron d’Alexandrie mais sans application pratique. L’école de médecine est fameuse. C’est à Alexandrie que la Bible a été traduite en grec. Philon d’Alexandrie adapte la philosophie grecque à la philosophie du Judaïsme qui à cette époque était ouvert. C’est par la suite, en particulier après la destruction du temple de Jérusalem, que le Judaïsme s’est durci en Rabbinisme. L’Eglise chrétienne va prendre l’héritage de Philon d’Alexandrie. A la fin du XX° siècle une nouvelle grande bibliothèque moderne a été édifiée à Alexandrie

5         Le Christianisme égyptien

Le Christianisme égyptien est surdéterminé par la communauté juive d’Alexandrie. Cette communauté était composée de Juifs hellénisés ouverts comme Philon d’Alexandrie, avec des communautés monastiques juives, les « Thérapeutes », connues par un traité de Philon : « Thérapie de l’âme » Une autre personnalité : Plotin d’Alexandrie (originaire de la moyenne Egypte) est à l’origine d’une lecture de la philosophie platonicienne que l’on appelle le Néo-platonisme. Des traités de Plotin contribueront au développement de la renaissance italienne. L’Epître aux Hébreux, composée en 135 le fut dans ces milieux ainsi que la Didaskalè dont Origène est un représentant bien connu. (185-253)

5.1        La DIDASKALE

L’école Didaskalè se situe dans la tradition alexandrine de commentaires de texte. On donne aux textes un sens spirituel ; par exemple à Homère dans l’Odyssée. Les différentes péripéties d’Ulysse sont comparées aux tribulations de l’être humain pendant son existence. L’école d’Alexandrie insiste sur le sens spirituel de l’Ecriture, et en particulier sur le sens spirituel de l’Ancien Testament qui ne peu se lire qu’à la lumière du nouveau. (Cf. évangile dans l’épisode d’Emmaüs où Jésus explique ce qui le concerne dans la loi et les prophètes). Autre exemple l’Exode où les Egyptiens sont comparés aux passions et le passage de la mer Rouge au baptême.

5.2        Compréhension du Christianisme par les Chrétiens d’Alexandrie

Saint Athanase résume la compréhension du Christianisme par cette phrase  " Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne dieu. "» (de Incarnatione) Par son incarnation, le Christ a rendu possible une transfiguration de la figure humaine qui se fait, dans le cadre de l’église, par l’ascèse et par la grâce de Dieu. C’est l’époque des persécutions, en 250 ce sont celles de Dèce, et elles dureront jusqu’en 312. Les persécutions marquent profondément l’église d’Alexandrie qui reste marquée par le martyre. Les Coptes numérotent les années à partir de là c’est « l’ère des persécutions ». Les gens s’enfuient : Saint Paul de Thèbes (+347) va dans le désert pour mener une vie ascétique ; son compagnon, saint Antoine, passe aussi une partie de sa vie au désert. (Voir vie de St Antoine par St Athanase d’Alexandrie édition Sources chrétiennes). Sa vie est exemplaire ; son schéma est repris dans la relation de la vie des saints qui comporte deux phases : 1- période de lutte très intense. 2- vie dans le désert avec une communauté et rayonnement dans toute l’Egypte. Antoine est considéré alors comme le « médecin de toute l’Egypte ».

5.3        La nature du Christ

Le thème de la nature du Christ commence à être débattu. Il n’est pas neutre : pour que l’homme puisse devenir dieu, il faut que le Christ-Dieu ait assumé pleinement la nature humaine. Le débat contre l’Arianisme soulève la relation du Christ avec le Père. Arius soutenant que le Christ est subordonné au Père et qu’il y a eu un moment où il n’était pas puisqu’il est fils. En 325, le concile de Nicée défini la « Consubstantialité »  omoousioç  Le fils a la même essence que le père. Il n’y a pas de subordonationisme. Pendant ce concile, Athanase d’Alexandrie (+373) défend la thèse de la consubstantialité.

En 395 L’Empire romain se divise entre Rome et Constantinople. Rome s’affaiblit et l’Empire se recentre sur Constantinople. Les gens de l’époque gardaient le terme de « Romain » romaioç pour ce qui concernait le gouvernement de Constantinople. Le terme de « Byzantin » est beaucoup plus récent.

5.4        Les monastères

Dans la région ouest du delta des ermitages s’installent. St Antoine y participe. Deux types de sites existent les Kellia (les cellules) et les monastères du Ouadi Natroum, notamment celui fondé par St Macaire : Abou Makarios qui existe toujours et édite des recueils de spiritualité (Mathieu le pauvre - Qatta el Maskin) .  Cette vie monastique dans la zone des Kellia consiste en des habitats de un ou deux moines qui se réunissent une fois par semaine en communauté pour les offices liturgiques. Il y a aussi un monachisme cénobitique fondé par Pacôme (286-346) ( Pachome/ Pakhome) Il met en place la vie cénobitique avec une règle monastique. Vers 400 il y avait environ 5000 moines dans les monastères pacomiens.

 

5.5        Débat tragique sur la nature du Christ

Le débat autour de la nature du Christ a marqué profondément la pensée religieuse en Egypte. Ce débat oppose ceux qui insistent sur la nature divine du Christ qui englobe son humanité, ce sont les monophysites, et ceux qui insistent sur sa nature humaine. Le concile de Calcédoine (451) proclame que le Christ est parfaitement homme et parfaitement Dieu. (Distinction entre l’Hypostase et l’Ousias…) Une terminologie théologique est mise en place lors de ce concile. Ces débats entraînent des ruptures violentes entres églises monophysites et calcédoniennes. A cette époque Rome et Byzance sont d’accord, mais l’Eglise copte est plutôt monophysite.


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