HISTOIRE DU PROCHE ORIENT 2004-2005

Egypte 3 - Cours de Mme Nathalie Bosson

Histoire de l’Egypte Copte

LE MONACHISME COPTE

EXPRESSION D’UNE IDENTITE EGYPTIENNE

1         Naissance et expansion du monachisme

Entre le début du quatrième siècle et le début du septième, le Christianisme est devenu un fait majeur de l’Orient romain. L’empereur en a pris la tête, par son rôle dans les conciles, il est devenu le garant de l’orthodoxie, ce qui confère aux événements religieux une dimension politique. La religion nouvelle a généré une nouvelle composante de la société : l’église, dont l’emprise sur la population est importante. Si l’on essaye de saisir les causes profondes des conflits qui se sont déclarés dans les conciles, il faut voir d’abord que tout repose apparemment sur une réelle difficulté de comprendre la divinité et l’humanité qui est dans une seule personne : Le Christ. En plus la langue joue un rôle complexe : l’église d’Alexandrie s’exprimait en grec, l’église de Rome en latin. Or ni les concepts théologiques ni les termes ne sont exactement les mêmes en latin et en grec. Ainsi le mot latin « natura » n’a pas exactement le même sens que le mot « fusiç » en grec, que l’on peut traduire en français  par « nature » et par « essence ». De même le mot latin « persona », la personne, n’est pas exactement le même que celui de « upostasiç » « hypostase » en grec. Ces problèmes ont contribué à envenimer les rapports entre les églises. L’église égyptienne était, de par son histoire et sa formation philosophique et théologique, beaucoup plus préparée à l’union des deux natures et avait plus de difficulté à accepter cette notion de séparation des natures. L’Egypte est la terre du syncrétisme. Enfin il faut considérer que les moines étaient très présents dans les conciles et à leur retour ils ont joué un rôle essentiel en se ralliant à leurs patriarches. Dans l’ouvrage : « Le monde byzantin » de Cécile Morisson, on peut lire p236 : « La diffusion de textes influents comme la vie d’Antoine a imposé une généalogie où le monachisme égyptien tient une place de premier plan. L’Egypte, de façon classique, est présentée comme la terre d’origine du monachisme, et s’il convient de se rappeler que celui-ci a plus d’un berceau, l’influence des pères égyptiens était telle qu’il est légitime de se tourner vers eux pour définir ce qu’est originellement le moine et pour décrire les formes essentielles de la vie monastique, anachorétique et cénobitique. »

Une des expressions du monachisme est la réalisation de l’architecture des monastères dont on étudiera quatre exemples.

1.1        Saint Antoine (251-356) fondateur de l’érémitisme et père des moines

Saint Antoine, fondateur de l’érémitisme et père des moines, était le fils d’un paysan égyptien aisé. Il prend au pied de la lettre le commandement du Christ « va, prends  tout ce que tu possèdes, donne le aux pauvres et suis-moi. » Math XIX 21 et sq. L’anachorèse est donc retrait du monde, rupture avec la civilisation gréco-romaine qui d’ailleurs n’a que très peu pénétré les campagnes. Ce mouvement a donné l’érémitisme qui peu avant la mort de saint Antoine (356  à l’âge de 107ans ou 105), a beaucoup d’imitateurs. Le désert de la Thébaïde en haute Egypte se trouve surpeuplé de centaines d’ermites  qui recherchent la perfection.

1.2        Le cénobitisme pachômien (Pachôme, vers 286-346)

Ce type d’héroïsme pouvait-il être un mouvement de masse ? Pour résoudre cette difficulté dès le début du quatrième siècle en Egypte, Pachôme invente la vie en communauté : le Cénobitisme. De véritables villages monastiques se constituent. Ils imitent les villages de la société égyptienne. Un mur de clôture renferme un complexe de bâtiments : salles de réunion, réfectoires, offices, maisons pour les moines qui vivent regroupés par quarantaines et obéissent à un supérieur. En 346, à la fin de sa vie, Pachôme a fondé neuf monastères et deux couvents de femmes.

Contrairement à ce que présentent les sources littéraires, le cénobitisme n’est jamais une organisation de type militaire. C’est une organisation qui laisse à certains moments la place à la méditation et à la solitude. Les moines ne vivaient pas en totale autarcie dans le désert. Economiquement parlant cela aurait été impossible. Certaines sources documentaires comme les papyrus administratifs montrent que les monastères possédaient de grands domaines. Ils cultivaient des terres, des vignes, (le monastère de saint Ménas s’appelle « les vignes de saint Ménas »). Des documents attestent des transports importants d’un bout à l’autre de l’Egypte. Il y a une circulation économique des biens qui entretient des relations avec les villes. C’est la raison pour laquelle les monastères ne pouvaient se trouver très loin des villes puisqu’ils en avaient besoin pour vivre. Ils se trouvent donc à la lisière du désert et des zones fertiles.

2         Le monachisme du Vème au VIIème siècles

Les colonies semi-anachorétiques : le système des laures.

Au cinquième et sixième siècles le monachisme va s’exprimer d’une manière différente. A mi-chemin entre la forme initiée par Antoine et celle de Pachôme. C’est le système des Laures décrit par Palade. Les moines vivent collectivement en reclus. Un ancien et son disciple, quelque-fois plusieurs disciples, restent seuls dans leur ermitage, un petit bâtiment isolé comportant diverses pièces. Les ermitages sont espacés les uns des autres, même si, vers le huitième siècle, le nombre d’ermitages augmentant, ils se rapprochent les uns des autres.  A une certaine distance de ces ermitages, se trouvent des bâtiments communautaires avec l’église et le réfectoire. Le samedi, les moines se rendent dans les bâtiments communs apporter leur travail de la semaine (souvent de la vannerie), suivent l’office en commun et prennent un repas ensemble. Le dimanche matin chacun repart vers son ermitage avec les matières premières et la nourriture pour la semaine.

2.1        Les Kellia (les cellules) désert Libyque,  du 4ème au 8ème siècle

Il y avait entre Alexandrie et Le Caire trois zones désertiques différentes comprenant trois ensembles d’établissements monastiques. Le désert de Nitrie qui a disparu sous les cultures modernes, les Kellia : les cellules, et le désert de Sété (wadi el Natrum) avec quatre monastères toujours en activité.

La Nitrie est fondée par un certain moine Amoun entre 320 et 330 et son succès immense va conduire Amoun, avec l’aide d’Antoine, à créer un peu plus loin dans le désert les Kellia qui sont actuellement sous culture et qui ont été fouillés rapidement avant la mise en culture. Les moines y recherchaient un peu plus de solitude pour s’y installer. (cf les Apophtegmes des pères du désert en livre de poche : ce livre décrit la vie dans ces zones désertiques voir plus loin).

En 1967, le site archéologique des Kellia avait été découpé en cinq parts réparties entre une zone française et une zone suisse.    (Les Izellia…)

Evagre le Pontique 345-399 va vivre aux Kellia et vers 330 Macaire l’égyptien fonde encore plus loin dans le désert la colonie de Sété (Wadi el Natroun)

Dans les restes des ermitages, -lors des fouilles de sauvetage, 1500 ermitages avaient été recensés en cinq zones sur environ 10 kilomètres carrés, - on a découvert de superbes peintures sur les murs qui montrent comment les moines vivaient (photo…Christ en majesté avec moustaches). Les techniques de fouille tenaient compte du fait que les murs étaient en briques crues et que la nappe phréatique montait et n’était plus qu’à 60 cm au-dessous du niveau du sol. Le dégagement des ruines se faisait par strate en prenant des précautions contre l’éboulement. Des peintures et des inscriptions ont pu être déposées mais d’autres disparaissaient en l’espace d’une demi-heure. Des murs étaient complètement recouverts de représentations, de motifs naturels comme d’oiseaux bizarres. Des inscriptions comme des ex-voto étaient parfois recopiées par des illettrés et n’avaient plus de sens…

Inscriptions curieuses :Amen = 99 – une licorne avec une croix chrétienne devant exprime la virginité. Les inscriptions du 4ème siècle sont en langue Boahérique qui est le copte du nord utilisé surtout au huitième siècle.

Inscription sur une voûte mentionnant Hélène comparée aux 5 vierges sages. Les allusions aux femmes étaient très rares dans ces monastères d’hommes où la présence des femmes était généralement interdite. Cependant dans les sanctuaires il y avait des pèlerins qui pouvaient venir avec femmes et enfants et y laisser des inscriptions.

Dans ces ermitages, il y avait des jardins, des vignes et des poulaillers. Ces habitats étaient comparables aux maisons isolés de paysans du delta de nos jours.

Les sentences des pères du désert, les Apophtegmes, sont souvent des réflexions spirituelles et toujours marquées de bon sens. Ce bon sens est une caractéristique de la littérature copte qui est profondément ancrée dans la réalité quotidienne et dans son environnement social et géographique.

Reconstruction isométrique d’un ermitage des Kellia (diapo) Dans leur majorité, les ermitages mesuraient environ 25 par 30 mètres. Ils suivaient tous un plan type auquel il pouvait y avoir des ajouts. Ils étaient tous entourés d’un mur de clôture de plusieurs mètres de haut permettant aux moines de vivre cloîtrés à l’abri des tentations du monde extérieur et de ses voisins.

Peinture de lions encadrant une niche.

Dans la cour se trouve le puits d’où l’on puisait l’eau de la nappe phréatique qui n’était pas très loin du niveau du sol dans les Kellia. Les latrines étaient au sud-est, sous les vents dominants. Un système d’irrigation en terre cuite permettait les cultures. Le logis était constitué d’un vestibule dont les murs étaient recouverts d’inscriptions, puisque ce vestibule était accessible aux visiteurs ou aux pèlerins, puis d’une vaste salle de réception à deux travées qui commandait l’accès aux autres pièces privées.

L’Ancien occupait l’angle Nord-est du corps de logis, zone la plus fraîche, dans une pièce qui accédait à la salle de réception. Cette pièce était complétée d’une resserre et d’un oratoire (dans une niche à l’est avec des inscriptions en copte ou même en grec et le dessin d’une croix)

Photo d’une croix potencée à breloques comme celles utilisées encore en Ethiopie.

Le disciple dispose de la partie sud-ouest du corps de logis, la partie la plus chaude, composée d’une chambre avec sa resserre, d’un office et d’une cuisine où le disciple préparait le repas.

La cuisine, aux Kellia, était un lieu stratégique où l’on a retrouvé beaucoup de vaisselles, brisées ou même en bon état.

Les fouilles archéologiques ont mis en évidence des ensembles architecturaux que l’on peut qualifier d’église et de réfectoire. (Voir fiches sur les églises)

Ce type d’ensemble ecclésial a été abandonné au 7ème siècle en faveur de lieux de culte intégrés dans les ermitages qui se transforment en sorte de monastère en miniature.

Inscription en grec : « La croix est pour moi la voie de la modération »

Ces ermitages répondent admirablement aux exigences du climat du désert lybique. Il y avait récupération des eaux de pluie et réseau d’irrigation, des sanitaires. Un grand soin était apporté à la finition : grande qualité des enduits à l’eau de chaux et entretien constant des toitures. Un père se moque d’un disciple qui était monté sur le toit pour boire le vin des jarres entreposées sur le toit et qui passe au travers du toit.

2.2        Deir as-Souriân (monastère des Syriens) Ouâdi el-Natrou

2.2.1       Origines du monastère des Syriens

Des moines syriaques en Egypte étaient attirés par plusieurs facteurs : ils estimaient que leur monachisme était né en Egypte ; s’y rendre était donc retourner aux sources, retrouver le cadre même des combats spirituels des pères du désert. D’autre part après le schisme du concile de Chalcédoine en 451 l’église syriaque et l’église copte partagent la même confession christologique, ce qui a facilité leurs rapprochements. Avec le monastère des Syriens on a à faire à une véritable colonie du monachisme syriaque qui s’est établi en Egypte pendant près de neuf siècles dans ce célèbre désert de Scété appelé aujourd’hui le Wadi el Natrum à l’ouest du delta. De nos jours le monastère, toujours en activité et jouissant d’une grande réputation dans l’église copte, compte environ une centaine de moines, tous coptes. De nos jours il n’est plus entouré par le désert mais une zone de culture.

2.2.2       Fondation du monastère

La fondation du monastère des Syriens remonte sans doute à la première moitié du sixième siècle, sous le patriarcat de Timothée 2 entre 517 et 535. Son origine est associée à la doctrine hérétique julianiste, doctrine diffusée par Julien, évêque d’Halicarnasse, qui fut exilé en Egypte pour avoir défini la conception de l’incorruptibilité du corps du Christ. Son nom le plus ancien est « le monastère de la Théotocos dans le domaine d’Ambabichoi ». Des mosaïques (modernes) représentent la Vierge à l’enfant à l’entrée du monastère.

2.2.3       Construction du monastère

Le monastère qui se présente comme un vaste rectangle de 150 mètres sur 50 mètres a, d’après les moines, les dimensions de l’arche de Noé. Il est dominé par des églises à coupoles et par la tour carrée, le « Qasr », cette tour permettait de se réfugier en cas d’attaques bédouines. Le monastère se trouve à quelque 500 mètres du monastère « Deir Amba Bishoï » A l’origine, le monastère des Syriens en était une succursale. Ce monastère a de très beaux jardins. Un monastère moderne s’est établi à proximité dans la zone désertique.

Le saint Amba Bishoï aurait reçu la visite de Saint Ephrem le Syrien qui lui aurait laissé son bâton lequel, planté en terre, devint un tamaris. Ce tamaris existe toujours et est enclos de murs. Il était proposé à la vénération des fidèles au XVII° siècle et on y célèbre toujours les vêspres tous les soirs.

2.2.4       Histoire du monastère

Sur une page blanche du manuscrit syriaque n°27 de la BNF, il est indiqué que le monastère fut acheté par un riche notable de Takrit, ville d’Irak. Ce notable était installé à la « Babylone d’Egypte », actuellement vieux quartier du Caire. Cette note date du XVIeme  siècle. (cf la tour romaine du vieux Caire) Il est probable que cette note a été écrite à une période (16ème siècle) où les moines Syriaques avaient à défendre contre les moines coptes leurs droit sur le monastère. Ils affirmaient donc que le monastère avait été acheté intégralement par des Takritains et avait donc échappé à la tutelle du patriarche d’Alexandrie. Les Coptes au contraire ont toujours considéré que le monastère avait été simplement « prêté »aux syriaques. Les inscriptions découvertes récemment sur les murs de l’église principale dédiée à la Vierge, l’église El Adrâ construite à la fin du 10ème siècle, montrent par leur bilinguisme copte-syriaque qu’au moyen âge il y a toujours eu des coptes qui ont cohabités avec des syriaques. Tous les actes émanant de ce monastère font référence, encore actuellement,aux deux patriarches d’Alexandrie et d’Antioche.

Au XIVème siècle commence la décadence du monastère accélérée par les raids des bédouins et surtout par la grande peste suivie en 1374 de la famine. En 1413 le site a été abandonné à la garde d’un seul gardien. A la fin du XVème siècle la vie monastique reprend notamment grâce à l’arrivé de moines venus du Liban mais l’élément syriaque décline alors à l’avantage de l’élément copte.

Le fond ancien de la bibliothèque connaît un dernier enrichissement majeur. La plupart des manuscrits syriaques anciens connus proviennent de cette bibliothèque. Ces manuscrits sont disséminés dans des bibliothèques d’Europe. C’est au XIXème siècle que les bibliothèques monastiques d’Egypte furent ainsi dispersées.

2.2.5       L’église d’El Adra dédiée à la Vierge.

Cette église a la structure typique des églises à chœur. Cette structure est caractéristique de la période allant du 7ème au 12ème siècle. (Cf. l’église très ancienne de St Serge au vieux Caire construite sur un endroit où la sainte famille se serait reposée.)  L’introduction du chœur au 7ème siècle marque une évolution par rapport au plan basilical à trois nefs antérieur. Ce type d’église se rencontre aux Kélia à St Menas par exemple. Un espace supplémentaire prend place transversalement entre la nef et le sanctuaire. Il crée une séparation plus nette entre la zone des laïcs et celle des religieux. Cette innovation a été sans doute introduite en milieu monastique avant d’être étendue dans l’architecture urbaine, comme au vieux Caire.

Les découvertes archéologiques des années 90 ont révélé l’importance de l’église d’El-Adra. En 1988 un incendie s’est déclaré dans un bâtiment à l’ouest de l’église. Elle s’est retrouvée noircie par les fumées du sinistre et la fresque de la semi-conque occidentale qui représentait l’Ascension du Christ menaçait de s’écrouler de sorte que l’IFAO (Institut Français d’Archéologie au Caire) a entrepris un sauvetage d’urgence. La fresque du 13ème siècle a été déposée et sous cette fresque a été découverte une majestueuse annonciation qui date des 10ème ou 11ème siècle de style différent et influencée par peinture d’époque byzantine et de l’antiquité finissante. (Série de diapo ) Les représentations des prophètes autour de la Vierge montrent le caractère divin de la conception virginale. Un nouveau programme de recherche a été confié aux Hollandais…(diapo : Les trois patriarches – La vierge à l’étang du 7ème : elle est d’influence égyptienne ; les moines coptes disent qu’elle n’est pas copte ! car la vierge est à gauche alors que dans l’iconographie copte la vierge est à droite – de plus le pape Chénouda 3 voulait que l’on peigne un voile sur la poitrine dénudée de la vierge…) Toute la vie spirituelle du monastère était tournée vers la maternité divine qui avait été âprement défendue par St Cyrille au concile d’Ephèse en 431. (Fresque 10/11ème dans la chapelle des 49 martyrs qui avaient été massacrés au monastère de St Macaire en 444 par les pillards berbères. A cette époque les monastères commencent à s’entourer de murailles et à construire des qasr.)

2.3        Monastère Saint-Siméon exemple d’architecture

A environ un kilomètre d’Assouan, sur la rive occidentale du Nil, face à l’île Eléphantine, se dresse, majestueux et austère, le monastère de Saint Siméon, dédié originellement à saint Hadra qui a mené une vie asétique à la fin du quatrième siècle avant de devenir évêque d’Assouan. Plus tard ce monastère fut dédié à Saint Siméon qui était un saint ermite de la région. Les vestiges les plus anciens de ce monastère remontent au 7ème siècle. Il y eut une période de reconstruction au 10ème siècle ; mais en 1173 les troupes de Saladin qui se rendaient en expédition en Nubie le ravagèrent. Il a été abandonné au 13ème siècle par suite du manque d’eau et des attaques répétées des pillards. Le monastère est entouré de murs de plus de 6 mètres de haut et est disposé sur deux terrasses rocheuses de niveaux différents. L’enceinte aux lignes brisées est dotée de tours de garde et de postes de guet. L’entrée principale est aménagée à l’est dans une tour défensive. Près de l’entrée se trouve une grande église construite aux 10/11ème siècles avec une nef à coupole. Une couverture voûtée fut construite. L’abside a conservé des restes de peintures : un Christ triomphant entouré de deux anges et les apôtres. Au nord, un long couloir bordé de cellules comportant chacune au moins deux lits en maçonnerie. Au nord-ouest, des vestiges d’une grande salle rectangulaire pouvant être un réfectoire. Le monastère renferme des locaux servant à la vie monastique notamment des bains, un four, des bassins réserve de sel.

 

3         Le saint et la société : le pèlerinage entre dans les mœurs

Dans une religion persécutée le martyr est le saint par excellence. Et sa fin héroïque apporte l’efficacité de son intercession. Sa relique, témoin de son sacrifice suprême, acquièrt une valeur universellement reconnue et provoque le développement de pèlerinages. Ainsi auprès de martyres célèbres, tels saint Ménas (275-296), saint Siméon (+459). Avec la paix de l’église le culte des saints, expression de la ferveur populaire, s’organise principalement autour du tombeau, le martyrium, qui peut être compris dans un ensemble monumental. Le pèlerinage entre dans les mœurs dès le 4ème siècle.

Stèle de saint Ménas (musée de Vienne 5ème siècle). Le saint est représenté avec deux chameaux (dromadaires) couchés à ses pieds. Pour les chrétiens de l’église byzantine, saint Ménas était l’un des saints les plus vénérés. L’église copte le vénère le 15 du mois d’Hathor (3ème mois copte correspondant au 11 novembre). La source principale est le récit grec de son martyre du-quel sont tirés le récit copte du martyre et le panégyrique du saint : encomium = panégyrique. Saint Ménas est cité dans d’autres sources nubiennes, éthiopiennes, latines, syriaques et arméniennes qui sont pour la plupart toujours inédites. Ces sources comportent de nombreuses contradictions ce qui est une caractéristique de ce saint militaire. Selon l’auteur de l’encomium copte, Manas est dit égyptien, bien que né en Phrygie de parents nobles, et conducteur de chameaux. Il est élevé dans la foi chrétienne et a souffert le martyre lors des persécutions de Dioclétien. Son corps a été transporté par des Chrétiens dans sa région natale, la région maréotide (ouest du delta). Il aurait été inhumé dans la maison où il est né. Plus tard des soldats qui se rendaient à Alexandrie ont déterré le corps et l’ont amené avec eux. Certaines sources disent que deux monstres sont apparus de la mer et se mirent à lécher le corps du saint, mais ce dernier s’enflamma et les chassa. D’autres sources précisent que, lors du retour, son corps fut placé sur un chameau et qu’à l’emplacement du tombeau actuel, la bête aurait refusé d’aller plus loin. C’est là qu’on aurait enterré le corps.

Stèle au musée du Caire représentant saint Ménas encadré de ses deux chameaux agenouillés aux pieds du saint (5ème siècle). Dans les représentations de saint Ménas les chameaux sont systématiquement présents ce qui fait qu’il est devenu le patron des caravaniers.

Un berger avait remarqué que des moutons malades allaient se rouler à un endroit humide et guérissaient. Cette découverte a marqué le début de l’histoire du sanctuaire de saint Ménas et la succession des miracles relatée dans le manuscrit copte qui est conservé. Son culte est devenu si populaire que des églises ont été érigées en l’honneur de saint Ménas jusqu’à Arles, Rome, et Cologne. Les nombreuses contradictions qui se rapportent à la vie du saint, son séjours en Phygie, son enterrement en Egypte, le fait qu’il y ait eu plusieurs martyrs du nom de Ménas en dehors de l’Egypte et qu’aucun martyr du nom de Ménas de l’époque du Dioclécien ne soit répertorié soulève le problème de l’existence de ce saint ou de plusieurs saints confondus.

Le sanctuaire de saint Ménas est situé à l’ouest d’Alexandrie à mi chemin entre cette ville et le Wadi el Natrum sur la route qui conduisait autrefois à l’oasis d’Hamon (Siwa). On y rencontre un lieu appelé Karm Abou Mina : les vignes de saint Ménas. C’est une ville sanctuaire de 40000m² comportant des édifices sacrés. L’ensemble cultuel était composé de trois bâtiments principaux : la grande basilique, le martyrium et le baptistère du 6ème siècle transformé plus tard en église.

A deux kilomètres un monumental monastère copte moderne dédié au saint est entourré d’une enceinte surmontée de croix coptes. Il a été inauguré en 1959 par le pape copte Cyrille 6. C’était jadis une oasis fertile où s’élevait une église célèbre qui passait pour être la plus belle d’Egypte.

La grande basilique de Karm Abou Mina était aux 5ème et 6ème siècle un lieu de pèlerinage célèbre, un sanctuaire national que le patriarche de Constantinople et le patriarche d’Alexandrie honoraient d’une protection toute spéciale, jusqu’au milieu du 9ème siècle, date à laquelle Mutawakil l’a dépouillée de ses trésors et en a dispersé le clergé. Sur la colline les deux basiliques sont visibles de loin :

la grande Basilique édifiée à la fin du 5ème siècle sous l’ordre de l’empereur Zénon (474-491) fait 75 mètres de long sur 51 de large ; elle comporte trois nefs avec transept et une abside. La décoration était splendide avec des colonnes de marbre : murs et sol recouverts de marbres, mosaïques, chapitaux …

Du Martyrium bâti sous la crypte, il ne reste plus grand chose. Le tombeau du saint était visible à travers des grilles, deux escaliers furent construits pour faciliter la déambulation des pèlerins.

Les guérisons : on conserve des petites flasques en terre cuite ou en plomb dont la face représente saint Ménas avec les chameaux : ce sont les « ampoules de st Ménas » qui servaient comme à Lourdes à rapporter de l’eau de la source de saint Ménas. Au nord ouest la basilique des bains était aménagée pour s’immerger dans l’eau miraculeuse et remplir les ampoules. (Piscine de 70x40 avec de l’eau chauffée.


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