L'Ethiopie et sa culture sont marquées par de grandes périodes de stabilité et d'indépendance politique. Les influences culturelles n'ont pas été imposées. Les écrits et l'architecture sont indigènes. L'Ethiopie assimile les influences extérieures sans servilité. Nous verrons les expressions de la culture éthiopienne dans la littérature, la peinture, l'orfèvrerie en particulier dans l'art des croix et enfin dans l'architecture où une grande originalité se manifeste.
4.1 La littérature
4.1.1 La Bible
Au début du 4ème siècle le canon des écritures n'était pas fixé mais il y avait un accord sur les textes constituant la Bible. En Occident, Augustin avait fait une liste mais personne ne s'y référait. Muratori donne lui aussi une liste. L'Apocalypse a été le dernier livre fixé dans cette liste. Dès la fin du quatrième siècle la Bible est traduite en Guèze. L'ancien testament est traduit à partir de la Septante et le nouveau à partir des textes syriaques. L'ensemble de ces textes est relu et corrigé à la fin du cinquième siècle par les neuf saints romains venant de Syrie
Les traductions faites à partir de la Septante sont contrôlées à la lecture des textes syriaques. La Bible syrienne joue un rôle important. St Lucien d'Antioche a fait une étude critique du texte biblique en syrien ; cette révision tenait compte du texte hébreu. Au 14ème siècle on tient compte des textes arabes. Le texte est revu à cause de l'influence égyptienne. C'est le texte tel qu'il est utilisé actuellement. Les manuscrits éthiopiens sont mentionnés dans les notes des textes bibliques critiques.
La bible éthiopienne comporte des textes apocryphes :
1-
Le livre d'Enok comportant des textes de provenances diverses, de -100 à +300, des passages messianiques et l'Apocalypse des animaux.
2-
Le livre des jubilés (Testament de Moïse) qui raconte des événements de la Genèse et de l'Exode dans un style eschatologique. (La leptagenèse : genèse anecdotique)
3-
L'épître des Apôtres (160/170) c'est le texte non canonique le plus proche des temps apostoliques. Cette épître subsiste intégralement en éthiopien, partiellement en copte et il existe une page en latin. Cette épître n'est pas entrée dans le canon.
4.1.2 La théologie
Les commentaires bibliques et les textes théologiques reflètent des querelles christologiques. Les Ethiopiens sont monophysites. Ils sont anti Nestoriens. Beaucoup de textes sont des adaptations de textes d'origines diverses plutôt que des traductions.
On trouve des textes de Cyrille (+444) comme le " Qerellos " qui comporte des anathèmes contre Nestorius. du droit ecclésiastique, dans ce genre on trouve des textes anti-nestoriens en arabe jusqu'au 12ème siècle, des textes relatifs au monachisme comme la Règle de saint Pacôme.
Certains textes proviennent de la littérature arabe du 13ème siècle. Les plus anciens textes ont été détruits au 9ème siècle du temps de l'impératrice Gudith (influence juive). Puis il y eut la restauration des lettres avec le Kebra Nagast, livre de référence rédigé au 13/14ème siècle.
Histoires lausiaque : Lausus avait demandé d'écrire une histoire des moines.
Dans les traductions d'œuvres non éthiopiennes les traducteurs sont moins fidèles qu'adaptateurs.
4.1.3 La littérature après le rétablissement de la monarchie salomonienne
Après l'épisode sanglant de Gudith (9ème siècle) et le rétablissement de la monarchie salomonienne, un élan littéraire reprend. Les livres sont à réécrires. Le Kebra Nagast donne un élan à l'écriture.
Il se produit une différenciation linguistique : la langue écrite reste alors le Gé'ez (ou ghèze ou guèze…) alors que la langue parlée ou " langue du roi " est l'Essana qui deviendra l'Amharique.
Les œuvres :
On continue de traduire des textes comme les " Actes des martyrs " qui proviennent d'Alexandrie,
de la Poésie comme les louanges à Marie,
des vies de saints dans le Synaxaire - le Sendessar (= Martyrologe ). Ce sont de petites notices narratives destinées à être lues au premier office de la journée. A l'origine elles sont traduites à partir du synaxaire arabe rassemblé par les Coptes. Au 16/17ème siècle on enrichit le recueil de la vie des saints éthiopiens, des notices spéciales sont alors rédigées,
en droit ecclésiastique : le Sinodos est une didascalie éthiopienne traduite de l'arabe,
les chroniques royales. Les guerres de Zar'a Yâ'eqob, grand roi d'Ethiopie (1434-1468). Histoire de 'amda Seyan qui fut un roi important vers 1334.
Littérature de polémique : Au 16ème siècle c'est le heurt avec l'Islam. Des textes sont brûlés et disparaissent. Des apologies anti-musulmanes sont écrites. Ainsi : Enkatsa amin : " La porte de la foi " qui est l'apologie d'un musulman converti au christianisme.
Littérature née de la crainte des mouvements de populations : A cette époque les peuples animistes du sud entrent dans le royaume. Le moine Baraï (Bahrez ?) écrit l'histoire des Oromos ( " quelle idée me prend d'écrire l'histoire d'un peuple aussi mauvais ? ")
4.1.4 Déclin et renaissance de la littérature
Au 17ème siècle : déclin de l'inspiration littéraire, hagiographie, poésie.
Le Malke : Portraits (saints, vierges…) de nombreuses strophes décrivant le corps (60/70 strophes)
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle renaissance des lettres. L'Amharique devient une langue écrite concomitamment à l'apparition de l'imprimerie apportée par les missionnaires.
La littérature profane est au service de la politique et de la modernisation du pays.
Le premier roman est une histoire imaginaire du Wafarak
L'empereur établit une imprimerie dans son palais. Elle publie des journaux
En 1924 Le journal Aemero
En 1930 1ère pièce de théâtre jouée lors du couronnement de l'Empereur.
Livres techniques, manuels scolaires…littérature moderne (Qabadda)
La révolution de 1974 commence par une libération puis rapidement ce fut le muselage, confiscation par les marxistes.
4.2 La peinture
4.2.1 Position
Autant les œuvres sculptées sont rares autant les images peintes sont nombreuses. La représentation figurée obéit à la Bible qui interdit de sculpter des images ; elle se distingue des Animistes. La peinture est éminemment religieuse. Dans la première biographie de Mahomet racontant les événements de 615, une femme de retour d'Axoum raconte les beautés et les merveilles de la cathédrale d'Axoum.
4.2.2 Les premiers manuscrits
Les plus anciennes peintures sont dans des manuscrits ornés de dessins au trait et rehaussés de couleurs fondamentales, le bleu, le rouge, le jaune et le vert. Elles sont appliqués à plat en larges surfaces entre des lignes noires fortement soulignées.
Deux évangéliaires datent du 10 et 11ème siècle (Abba Garima près d'Adoua) Un tétra évangile est conservé à la BNF (N°32) Il a un format carré et sa couverture est en bois ; il présente des tableaux de la vie du Christ.
Certains critiques disent que ces dessins sont primitifs sans être des œuvres d'art. Mais c'est le témoignage d'une volonté de présentation. Le trait est linéaire rehaussé d'aplat : un trait noir délimitant un espace peint avec peu d'ombre. Les doigts sont longs avec des ongles carrés, les plis des vêtements sont parallèles. Le regard s'ouvre sur le lointain ; peu de sensibilité : les sentiments ne sont pas exprimés. Peu de personnages sont présentés de manière frontale. Lors de la reconstitution des bibliothèques après les destructions de Gragne, la frontalité est abandonnée, les scènes s'animent. A l'époque de Gondar l'influence occidentale se manifeste. Des thèmes provenant des gravures italiennes sont adaptés à l'art éthiopien.
4.2.3 La peinture au 15ème siècle
Dès le 15ème siècle les œuvres d'art sont de grande qualité ; c'est l'époque de la renaissance intellectuelle sous Dawit1 (1413). Le trait est très sûr. Un tetra évangile comporte 24 tableaux au tracé très pur avec un choix de couleur et des volutes.
Existait-il des écoles ou des ateliers de peintures ? par exemple au couvent de Gounda ?
4.2.4 La peinture à Gondar
En 1632 l'empereur (Fasilidas) s'installe à Gondar (station pour la saison des pluies) La période gondarienne est un moment de stabilité après la mort de Gragne. Il faut alors refaire le pays. On ne fait plus de fresques mais des peintures sur toile collées sur les murs. Thèmes : image de la Trinité présentant trois bustes identiques avec deux bras et trois têtes, le couronnement de la vierge en gloire. La peinture éthiopienne s'inspire alors des modèles occidentaux.
Des règles fixes sont observées : les méchants sont toujours représentés de profil et les bons de face, les deux yeux bien apparents ; aucune ombre ne doit voiler le visage des saints ; la prédominance est donnée à la droite sur la gauche.
La peinture éthiopienne est sans perspective ; il n'y a pas d'ombre.
4.2.5 Les rouleaux magiques
Les rouleaux magiques : ce sont des bandes de parchemins roulés très fin que l'on porte sur soi. Sur ces rouleaux figurent des suites de noms, des prières et des images. Satan est enchaîné ou en prison. Les barreaux de la prison sont constitués d'entrelacs. Des yeux sont dessinés pour déjouer le mauvais œil.
" En première ou deuxième position se trouve toujours un ange protecteur. Ces rouleaux, fabriqués par des " debteras ", les lettrés traditionnels, sont le plus souvent utilisés par des femmes. Ils sont, soir portés sur le corps dans des étuis de cuir, soit, dans les maisons, déroulés et fixés au mur, face au lit de celle qui est, ou craint d'être, malade ". (Constantin Kaiteris)
4.3 L'art des Croix
4.3.1 Les anciennes croix
Les plus anciennes sont fondues en bronze et emmanchées. Elles sont fabriquées par la technique de la cire perdue. Elles sont toutes différentes car le moule est cassé.
Les croix ouvragées qui nous sont parvenues sont des croix de procession ou des croix pectorales. Les plus anciennes sont du 15ème siècle. Elles sont en fer, cuivre ou bronze parfois doré. Les croix en métal précieux ont disparu et les croix modernes en argent sont petites car fabriquées à partir de monnaie d'argent (Thalers).
4.3.2 Evolution
A partir du XIV° siècle, des types plus élaborés sont ornés d'entrelacs avec élargissement des branches. La croix disparaît dans les entrelacs.
Les croix du type Lalibela : production allant du 12ème au 15ème siècle. Ce sont des croix ornées d'une sorte de nimbe. Le Christ y est souvent absent car ce sont des croix de Pâques : des croix triomphantes. Les croix en fer sont forgées et les croix en cuivre ou bronze sont moulées à la cire perdue.
A partir du XIV ème siècle on trouve des croix ornées d'entrelacs : ornementations en tapis. La croix devient un carré de dentelle. Les croix peuvent être en bois. Dans les espaces de l'ornementation il y a du tissus. (toute l'année contrairement au rite catholique où cela se fait seulement pendant le temps pascal.)
Types de croix : Croix de procession et croix de bénédictions tenue par les prêtres pendant les cérémonies.
4.4 Architecture
Les Ethiopiens se sont montrés originaux en matière d'architecture. Il n'y a pas que Lalibela !
4.4.1 Découverte des monuments éthiopiens par les occidentaux
A la fin du XIXème siècle on ne pouvait être renseigné que par l'histoire des destructions de Gragne. Au XXème siècle les voyageurs et les archéologues ont mis à jour des édifices du IXème . Une quinzaine d'églises datant d'entre les 9ème et 15ème siècles ont été ainsi découvertes.
Le monastère de Débra Damo date du Xème ou XIème siècle. Il est construit avec un mélange de pierres et de bois.
En 1938 le relevé des églises de Lalibela fut fait. Et en 1958 fut découverte une église ancienne à l'intérieure d'une église plus récente. (cf Dossier de l'Archéologie n°8 de 1975)
Types d'églises
Eglise du monastère de Dobra Damo
Eglise dans la caverne avec seulement la façade en extérieur.
Eglises circulaires formées de cercles concentriques : le premier étant celui de l'autel, le second cercle celui des clercs, le troisième cercle celui des hommes et des femmes… On trouve parfois une église ancienne entourée de cercles.
4.4.2 Caractéristiques de l'architecture éthiopienne
Après le déclin politique d'Axoum, l'architecture continue, mais les édifices sont plus petits.
Les anciens édifices construits en pierres et bois avaient la particularité d'avoir des pièces de bois qui dépassaient de la maçonnerie. Ces extrémités ressemblaient à des têtes de singes. Plus tard lorsque les pièces de bois furent remplacées par de la pierre, ces têtes de singes continuèrent à êtres placées comme décoration. L'abandon du bois dans la construction a commencé lorsque les forêts disparurent.
Le plan carré est progressivement remplacé par le rectangle sous l'influence syrienne. Certaines constructions conservent cependant un plan cruciforme. Le toit est souvent plat. Il existe un exemple de voûte en berceau construite en bois.
4.4.3 Lalibela : Les églises taillées dans le roc
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Certaines églises constituent des cavernes creusées dans le rocher avec une forme d'église et ses détails. Ainsi Abrea dans le Tégré a 15 mètres de large.
Lalibela : Un ensemble d'églises taillées dans le roc. Certaines sont troglodytes, encastrées dans le roc avec la façade de sortie construite. D'autres, comme St George, sont complètement taillées dans le roc. L'extérieur apparaît dans un fossé creusé tout autour et l'intérieur a été complètement creusé.
Lalibela est connue des Européens au 16ème siècle par le Portugais Alvarez en 1520. Ce complexe se trouve sur un plateau ) à 2500 mètres d'altitude. A l'origine ce lieu s'appelait Roha ; le roi Lalibela (1190-1225) en fit sa capitale. Il voulait transporter la terre sainte en Ethiopie.
Plusieurs églises sont importantes. La plus connue est Saint Georges qui n'apparaît pas au niveau du sol. La plus grande, l'église du Sauveur du monde, fait 33,5 mètress de long et 23 mètres de large elle comporte 5 nefs séparées par des piliers (4 rangs).
Lalibela est un lieu de pèlerinage. On va d'église en église en commémorant les événements de la vie du Christ. Le centre de Lalibela est supposée être le lieu où du tombeau du Christ. L'une de ces églises a trois salles souterraines et, dans l'une, un ange s'incline vers un gisant. Dans une autre salle, une chapelle de la trinité contient trois piliers isolés.
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Les empereurs du XIX° siècle ont eu un projet architectural : la reconstruction de la cathédrale d'Addis Abeba. Ils voulaient assurer la tradition multimillénaire, mais en faisant entrer la modernité dans un pays qui avait un rôle à jouer tant politique que religieux.