Michel SERRAZ
La recherche de la Tradition
Article de Patrice de la Perrière
D'origine Savoyarde, Michel SERRAZ possède en lui cette force peu commune des gens de la Montagne.
Il connait le prix et le poids du travail et se situe sans cesse dans un rapport harmonieux avec la nature. Pour lui matière et esprit sont
indissociables et c'est cette notion qui donne à ses sculptures puissance et infériorité.
Michel Serraz fait partie de ces sculpteurs qui ne se préoccupent que de l'âme des choses. Il sculpte et modèle comme on chante, à pleine voix, en cherchant à oublier le temps. Comme il le dit lui-même : Je ne cherche pas à provoquer, je ne cherche pas à choquer ; je ne cherche qu'à exprimer l'essentiel, c'est à dire l'éternité".
Pour cette artiste d'origine savoyarde, à la forte stature, l'authenticité n'est pas seulement une qualité, mais un besoin vital, une nécessité indispensable pour exister vraiment. Et à une époque où un artiste est souvent amené à faire un choix, Michel Serraz a su prendre le risque de se situer dans la grande tradition de la sculpture qui fut si bien illustrée par les anciennes civilisations comme l'Egypte, la Chine, l'Inde, la Grèce, et plus près de nous, le siècle des cathédrales : "L'artiste doit savoir se nourrir de la nature et de tout ce que les anciens lui ont légué. Mais il ne doit pas oublier que l'homme est et sera toujours unique et qu'il ne doit "copier", mais plutôt se trouver, mûrir en lui-même, afin de devenir original et créateur".
Mais ne nous méprenons pas : il n'y a aucune vanité en ces paroles, bien au contraire. Michel Serraz ne tient pas à afficher un orgueil personnel, mais plutôt à vivre réellement une humilité sincère : "Par mes sculptures, je cherche à m'ouvrir, à être transparent, à manifester une certaine spiritualité en laissant passer à travers moi la puissance créatrice de Dieu. En fait, je crois que l'artiste en général, et le sculpteur en particulier n'est que le récepteur et le traducteur d'une pensée divine. L'erreur d'aujourd'hui, c'est que la plupart des jeunes artistes recherchent une personnalité à tout prix en se regardant le nombril. Alors que le Grand Art est avant tout de savoir s'oublier soi-même et ainsi de pouvoir se dépasser en s'effaçant derrière l'oeuvre".
Chez Michel Serraz, aucun "truc", aucun système, aucun automatisme. Chaque geste est neuf et en rapport étroit avec le sujet traité. Chaque coup de maillet se transforme en impulsion vitale. Pour lui, la sculpture est d'une certaine manière, un sacerdoce, et c'est peut-être pour cela qu'il se sent quelque peu investi d'un devoir de transmission.
Ceci peut faire penser à la phrase célèbre de Malraux : "Le vingt et unième siècle sera spirituel ou ne sera pas". A cet égard, Michel Serraz pense que l'un des devoirs des artistes est de préparer les générations futures à cette possibilité : "Pour moi, le Grand Art est spirituel ; et les grandes époques de l'art ont été spirituelles. L'art doit être Royal, comme l'on disait au Moyen-Age en parlant de l'alchimie ou des mystères chevaleresques. S'il ne l'est pas, il
déroge de sa fonction et se perd dans les labyrinthes de l'oubli : il devient inutile, car uniquement décoratif". Lorsque l'on regarde les oeuvres de Michel Serraz, on est surpris par la profondeur qu'elles véhiculent ; il est certain que son approche de la sculpture figurative cherche à conférer aux modèles une sorte d'éternité et à rendre les formes vivantes immuables.
Le point de départ de cette recherche passionnée se situe dans la fréquentation de l'atelier de Marcel Gimond, aux Beaux-Arts de Paris. C'est grâce à ce très grand professeur qu'il a découvert la Tradition avec tout ce que cela comporte de rigueur, d'engagement de soi-même et de don : "Gimond possèdait à un niveau très élevé, le sens de la composition, de la construction. Il savait transmettre magistralement les clés géométriques indispensables qui permettent de comprendre ce qu'est une sculpture. Il avait en outre une immense culture dont il nous faisait profiter en nous expliquant le sens
de ce qu'il appelait la Grande Tradition !".
La poursuite viscérale de cette "Grande Tradition" donne aux sculptures de Michel Serraz ce hiératisme et cette sacralité impressionnantes. Et c'est peut-être à cause de cela qu'il envie la civilisation égyptienne : "la sculpture était à la fois un art sacré et utilitaire au sens noble du mot. L'art pour l'art n'existait pas ; il s'agissait surtout d'un moyen d'ouverture vers l'éternité, une façon de communiquer avec les dieux, avec le cosmos et de retrouver les clés géométriques vitales".
Georges Rouault a écrit : "On n'entre pas dans la Tradition comme dans un autobus, avec des numéros d'ordre. Il y faut des affinités plus secrètes". Nul doute que Michel Serraz possède en lui ces "affinités secrètes" et qu'il continuera, pour la plus grande joie des amateurs à rechercher la perception des lois cosmiques.
Patrice de la Perrière
Michel Serraz est né en 1925 - à ma connaissance sa dernière adresse était : 1 rue de Gergovie 75014 Paris - 01 43 22 95 09
mise a jour le 16/10/2007